lundi 30 octobre 2006

Ventardise et autre nord gueillir


Les vents les plus forts furent au Québec ce week end
Ah! Que le vent s'est venté, paraphrasant un peu Nelligan. On aurait tort de laisser croire au vent qu'il n'est que du vent car, lui, aura tôt fait de nous rappeler qu'il a un corps et que lorsqu'il fonce dans l'tas, ça déplace au moins de l'air.
Je craignais légèrement pour ma cabane, à tort, car, dans le fond de la vallée, comme ma crainte légère m'en rappelait le souvenir, le vent n'était pas si fort qu'ici là-haut à Scotstown ou autre part dans les hauteurs. Ainsi la plus dure des situations fut de s'y rendre... à vélo bien évidemment comme d'habitude. Hélas, je quittai un peu tard je crois l'hôtel. Je quittai en fait, las d'en être à la énième tentative de terminer la transcription de l'article précédent. L'électricité venait et partait au gré des bourrasques. J'abandonnai et me dis que je terminerais bien cela le lendemain, à mon retour.

Il y a bien eu cet immense double arc-en-ciel durant le périple mais je ne pus prendre qu'une seule photo car le vent m'empêchait même de rester sur mes deux jambes.
Une simple bise caressait le visage autour de mon repaire, avec parfois quelques bourrasques qui n'atteignaient même pas l'ardeur du vent continue plus haut sur les collines. La pluie et la paresse et finalement la neige furent mes deux conseillères pour ne rien faire, sinon lire et contempler par l'ouïe et l'oeil. Je suis désormais prêt à tout sacrifier pour m'asseoir et lire. À vrai dire, si je sacrifie si peu, cela sera déjà trop car je me retrouverai dans une situation pire que minimale où la lecture me sera de nouveau interdite.

Après avoir isolé le grenier de la nouvelle maison de Maude, je pris ce qui restait de "Double-bubble" pour faire écran à ma grande verrière. Ah, il reste tant à faire, mais si peu dans le fond. En autant que cela tienne le coup, puisque je doute vouloir me sacrifier au point de passer plus d'un autre hiver dans ces conditions. Au mieux, je suis désormais travailleur autonome, même si dans les faits je le suis depuis longtemps, mais étant incapable de me brancher à UN type d'activité, je suis un travailleur autonome sans qualité. Ce n'est pas pour m'émouvoir, mais cela semble en émouvoir quelques-uns qui se demande pourquoi je suis comme cela. À quoi cela me servirait-il de constamment me le demander?

De toute façon, à ce moment-ci, la lecture m'enivre, surtout lorsque c'est captivant bien sûr, comme ce troisième roman de Tom Robbins que je dévore lentement - Fierce Invalids Home From Hot Climates. Ce gars a un imaginaire pas possible. Les commentaires de ses personnages me conviennent tant que je me tortille de plaisir à les lire. Dans la tranquilité de la forêt, j'y plonge et ne suis plus nulle part.

Entre ma dernière nuitée à l'hôtel et mon retour vendredi soir, on avait fait démarrer le chauffage. Il s'agit de deux chaudières qui bouent littérallement l'eau chaude. Résultat, lorsque je suis entré dans la chambre il y faisait une chaleur de désert. Je résolus de fermer les valves des calorifères et encore là, la température oscille autour de 26ºC! À la cabane, mon scénario qui consiste à mettre mon chauffage sous le plancher principal donne de bon résultats, mais il me reste à colmater plusieurs brèches d'air que le froid et le vent du weekend ont révélé ici et là.
Lien vers un regard quotidien sur le parcours du Jet Streams et les vents en Amérique du Nord.

dimanche 29 octobre 2006

Qu'est-ce que la réalité?


C'est ce qu'en perçoit quiconque se met à y réfléchir... Vivre dans la réalité, c'est vivre dans la perception de ce qui forme notre existence et selon notre état de conscience, cette réalité sera d'autant différente ou semblable de ce que l'autre perçoit comme tel.
La réalité est perception. Parmi toutes les lorgnettes de cette réalité/perception, l'usage de drogues hallucinogènes constitue une façon autre d'accéder à l'univers qui nous entoure. Différente en tout cas que ce que nous offre, disons, le journal télévisé... Mercredi 25 octobre dans le cadre de l'émission de CBC Radio One, The Current, il a longuement été question des drogues hallucinogènes et plus particulièrement des effets de la salvia (photo ci-haut). Ce segment de l'émission m'a semblé assez exceptionnel, au point d'en faire et la transcription et la traduction simultanément.

CBC Radio One
The Current
Mercredi 25 octobre 2006
Le droit de perdre la tête, légalement
Écoute (RealAudio)

Eh bien, cela augure mal pour les adeptes de la marijuana au Canada. Le mois dernier, le gouvernement fédéral a diminué de 4 millions $ les recherches concernant les propriétés thérapeutiques du cannabis. Alors les amis du pot considèrent qu'il s'agit là d'un présage de la stratégie globale du gouvernement conservateur, incluant des incarcérations de plus longues durées pour les trafiquants (renversant ainsi la vapeur du gouvernement libéral précédent qui avait opté pour la décriminilisation de la marijuana) et dépenser de grosses sommes d'argent à l'éducation des jeunes canadiens au sujet des risques de la consommation de toutes les drogues illégales, pas seulement le pot.
Alors que la guerre aux drogues continue de faire rage devant les tribunaux et à la Colline parlementaire, il y en aura toujours qui non seulement aime consommer des drogues, mais considère que l'acte d'y prendre plaisir est un droit humain. Nous allons entendre des arguments pour et contre cette notion, mais d'abord l'un des réalisateurs de The Current, Aaron Brindle à l'affût des drogues me joins pour parler d'une tendance croissante: "triper" sur des drogues légales disponibles dans une boutique près de chez vous. Et ce sont des drogues qui génère un véritable impact psychoactif.

Anna Maria Tremonti:
Bonjour Aaron

Aaron Brindle:
Bonjour

AMT
Je ne savais même pas que nous avions un spécialiste des drogues!

AB
Pour cette fois seulement.

AMT
Un punch psychoactif ici... Quelles sont ces substances légales.

AB
Il y en a un certain nombre disponible. Mais celle qui semble gagner le plus de notoriété est une substance appelée salvia.

AMT
Salvia. Qu'est-ce que c'est?

AB
C'est un hallucinogène intense et de courte durée et, en ce moment, il ne fait toujours pas partie des substances contrôlées de Santé Canada. Mais je crois que ce n'est qu'une question de temps avant que cette drogue ne se retrouve dans le même jiron de surveillance légale dans lequel on retrouve aujourd'hui la marijuana.

AMT
On discutera de cela par la suite, mais d'abord je pense avoir besoin d'un peu plus de renseignements à propos de la salvia. À quoi cela ressemble-t-il?

AB
La salvia divinorum fait partie de la famille des menthes. El n'est pas très différent de la menthe qui pousse dans votre jardin. Elle est aussi connue sous le nom de la "sauge du devin". La salvia était traditionnellement utilisée par les Mazatèques, au Mexique qui en mâchaient les feuilles ou en faisaient une infusion, pour des rituels. D'après ce qu'on ma dit, le buzz psychédélique qui provient de cette forme d'utilisation est plutôt faible, mais la façon dont les gens utilisent la drogue aujourd'hui consiste en l'inhalation d'une version potentialisée.

AMT
Alors en quoi consiste une version potentialisée?

AB
Il s'agit d'extraire l'ingrédient actif, le salvinorum A et de saupoudrer sur des feulles de salvia hachées. Cela augmente la teneur de 5 à 20 fois.

AMT
Et c'est cela que l'on peut se procurer dans les boutiques?

AB
Oui, en effet. Et je me suis rendu dans une boutique [Headshop] dans le centre-ville de Toronto où ce jeune homme du nom de Tobin Mills voulait acheter de la salvia. Le boutiquier lui remit un récipient de couleur mauve contenant un gramme de salvia. Ce gramme avait une teneur de 10 fois la version naturelle et il lui fit la déclaration standard que voici:

Boutiquier:
On ne fait aucune réclame concernant l'usage secondaire de quoi que ce soit. Il s'agit d'une boutique de graines. Ils font croître des plantes, vous faites croître des plantes. Ce que vous en faites par la suite est votre affaire.

Tobin Mills
Combien cela coûte-t-il?

Boutiquier
30 dollars plus les taxes, 34 dollars...

AMT
Combien a-t-il dit que cela coûtait?

AB
30 dollars + tps + taxe ontarienne = 34,20 $

AMT
Ainsi le gouvernement reçoit sa part. Mais ce n'est pas donné.

AB
Non, et Tobin avait hâte de voir si c'était là de l'argent bien dépensé. Il faut que je dise à ce moment que Tobin est un professionnel très pris. Il a sa propre entreprise dans l'industrie du film. Il a déjà fumé de la salvia. Il a déjà essayer d'autres drogues psychoactives telle le marijuana.
Nous nous sommes rendus chez lui et il a divisé ce gramme de salvia en huit parties égales. Il a mis donc 1/8 de gramme - on pourrait dire un pincée de thym dans la sauce tomate - dans une pipe à eau maison, alluma et inhala.
Tobin ferma ses yeux, s'évacha dans le fauteuil. Il essaya de parler mais ce qu'il disait n'était que du son et, pendant quelques minutes, je fus un peu terrifié. C'était très intense. Mais alors presqu'aussi vite que la drogue l'a percuté, son effet sembla s'étioler et six minutes après le début de l'expérience (j'ai compté le temps grâce à mon enregistreur), Tobin me faisait une récapitulation de celle-ci.

Tobin Mills:
Les effets secondaires sont encore là en quelque sorte. Je sentais le poids de mes paupières. Mais c'était un bon buzz, vous savez. La totale, avec plein de visuel. J'ai été hors de la réalité. J'admets donc que j'ai perdu la raison cet après-midi...

AMT
La totale, hein. Et il dit qu'il a été hors de la réalité. C'est en inhalant qu'une fois?

AB
Juste une fois. Et si l'on compare à quelqu'un qui prend de la marijuana par exemple, les effets quoique très brefs encore une fois, furent beaucoup plus profonds.

AMT
Et ça c'est légal.

AB
Oui pour maintenant. La salvia n'est pas contrôlée par la loi sur les substances et les drogues de Santé Canada. Toutefois, un porte-parole de Santé Canada a mentionné durant une entrevue de recherche qu'ils sont à étudier potentiellement un contrôle de la drogue, du genre à imposer des restrictions sur sa disponibilité et son usage.

AMT
Et comment Santé Canada va-t-elle déterminée que la sylvia devrait être contrôlée?

AB
J'ai posé cette question à Carole Bouchard qui est la directrice du Bureau du contrôle des substances à Santé Canada. Elle ne peut pas commenté spécifiquement sur la salvia mais pourrait envisager divers critères pour étudier une substance, incluant comment d'autres pays ont réglementé celle-ci, les similitudes chimiques et pharmaceutiques entre une substance donnée et des drogues déjà contrôlées. Et puis, il y a plus...

Carole Bouchard:
On examine aussi les usages légitimes de la substance, des usages médicaux, des usages commerciaux ou industriels, les potentiels d'accoutumance, les abus et les mauvais usages.

AMT
Ainsi, Aaron, en parallèle à l'étude des mauvais usage de la drogue à l'intérieur du Canada, vous avez mentionné que le Santé Canada s'intéresse aussi à ce qui se fait a l'extérieur.

AB
Jusqu'à un certain point. La salvia est déjà illégal en Australie, en Italie et en Suède, dans quatre États américains, mais ce n'est pas une substance contrôlée selon la Convention des Nations Unies sur les drogues contrôlées, dont le Canada est un des signataires.

AMT
Alors, y a-t-il d'autres substances comme la salvia, légalement disponibles au Canada?

AB
Bien sûr. Il y a un opiacé appelé craton qui consiste en des feuilles séchées d'une plante originaire de l'Asie du sud-est, et elle est supposée offrir un high énergisant et euphorisant.

AMT
Un high euphorisant... on dirait une publicité...

AB
En effet! Mais ce son les mots d'une recherche scientifique. Mais comme pour les autres opiacés, cette étude suggère que cela pourrait être addictif. Il y a aussi un champignon sec qui s'appelle Fly Agaric ou Amanita muscaria qui peut être mortel à forte dose et peut causer des nausée et de l'angoisse (il ne semble pas que nous en prendrons)...

AMT
Hmm, non pas du tout...

AB
...mais il est aussi hallucinogène avec des effets qui peuvent durer plusieurs heures. Il s'agit là d'un champignon magique légale.

Comme la salvia, ceux-là sont vendus légalement dans les boutiques [Headshops] ou par le biais de catalogues en-ligne. Autrement, quelques détaillants ont des restrictions volontaires sur l'âge de ceux qui achètent des drogues telle la salvia mais, de nouveau, ce n'est pas règlementé.

AMT
Et qu'essayez-vous de dire? Devraient-elles l'être?

AB
Bien, je ne sais pas et il n'y a pas de réponses faciles à cette question. Les composés de la salvia ont une longue histoire chez les indigènes et dans la culture contemporaine et ce n'est que maintenant que les scientifiques sont à découvrir les possibilités médicinales.

AMT
Comme c'est le cas pour la marijuana.

AB
Exactement et il y a beaucoup de recherches excitantes faites autour des drogues psychédéliques. J'ai parlé notamment au docteur Charles Grob, professeur de psychiatrie et pédiatrie à l'École de médecine de UCLA. Il fait des recherches sur la psilocybine, un substance contrôlée qui se retrouve dans les variétés illégales de champignons magiques, comment cette substance aide à traiter l'angoisse chez les patients dans des stades avancés de cancer. Il parle aussi des bénéfices possibles que pourraient en tirer les personnes atteintes de comportement obsessifs-compulsifs.

AMT
Mais il y a une différence majeures n'est-ce pas, entre des usages médicaux et des usages non réglementés de plaisir.

AB
...sûr, mais le docteur Grob tient des propos enthousiastes en ce qui concerne l'engouement vers de telles drogues:

Charles Grob:
Ces composants ont beaucoup à offrir. Il permettre l'accès à des états seconds [altered states] qui sont très difficiles d'accès sans ces composants, avec une ambiance appropriée. Maintenant, il ne s'agit pas de dire qu'il n'est pas possible d'obtenir de tels états par le truchement d'autre méthodes, telle la méditation, la privation sensorielle, le jeûne, d'autres altérations physiques [physical ordeal]. Néanmoins le travail avec des composants psychédéliques dans des conditions optimales constitue la méthode la plus probable et sans doute la plus sécuritaire d'accès à ces états de l'esprit.

AMT
Aaron, je comprends ce que veut dire le docteur Grob, mais pourquoi est-il si important d'accéder à ces états alternatifs de conscience?

AB
L'argument est le suivant: un fois que vous réalisez cet état de conscience alternatif, vous avez une perspective unique sur votre vie et sur le monde qui vous entoure et de ce point de vue, on peut percevoir toutes sortes de perceptions auxquelles autrement il aurait été impossible d'accéder dans notre vie quotidienne d'adulte sans drogue. Cela est l'argument et j'y reviendrai plus tard.

AMT
Cela dépend qui achète cet argument... Admettons. Mais le risque de consommer ces substances est-il supérieur au bénéfices qu'on en tire. Il doit bien y avoir un prix à ces perceptions.

AB
Absolument! Mais c'est aussi le cas pour des substances légales psychoactives. Ici encore, écoutons le docteur Charles Grob:

Charles Grob:
Le problème qui se pose est de déterminer si un composé risque de conduire à un plus grand risque de séquelles aux personnes qui entourent l'usager de ce composé autant qu'à lui ou elle-même. Si l'on jette un coup d'oeil du côté des composants psychotropiques et les risques qu'ils comportent pour cet individu, sa famille, sa société, l'alcool serait probablement en tête de liste des substances qui provoquent les plus graves séquelles.

AMT
D'accord, il démontre bien le double standard, mais cela élimine-t-il le risque associé aux drogues psychédéliques, incluant la salvia?

AB
L'expérience de Tobin Mills utilisant une pincée de salvia indique que cela requiert un minimum de connaissance de la part de l'usager. Vous ne voudriez pas conduire une voiture sous l'influence de la salvia. Ça c'est certain!

En fait l'un des plus grands chercheurs sur la salvia est le docteur Bryan Roth. Il est le directeur du programme d'analyse des substances psychoactives de l'Institut national de la santé mentale américain et quoiqu'il connaisse l'historique et l'importance culturelle de la salvia, il considère que les côtés négatifs de l'usage de telles drogues sont supérieurs au aspects positifs quand on parle d'altérer votre état mental.

Dr Bryan Roth:
En tant que médecin et psychiatre, ma recommandation formelle aux individus qui désirent utiliser quelque drogue qui altèrerait leur état mental et leur conscience que ce soit, qu'il est préférable de garder leur esprit sain. Le problème que l'on voit comme professionnels, ce sont ces rares moments où les gens qui prennent de telles drogues se retrouvent à l'urgence des hôpitaux, en psychiatrie. Il n'y a pas de doute au fait que quelques individus vont tirer partie de l'usage de ces substances à titre exploratoire. L'aspect négatif pour d'autres est que cela peut les amener vers la schizophrénie et d'autres problèmes.

AMT
Bon, voilà un point de vue qui tend vers plus de règlementations de la part d'un docteur qui a sérieusement étudier la salvia et ses effets adverses.

AB
Mais en même temps, le docteur Roth montre comment la salvia aide à comprendre comment le cerveau fonctionnne. Par exemple, la salvia, contrairement à d'autres psychotropes, cible un récepteur particulier du cerveau tandis que le LSD, les champignons magiques, la psilocybine affectent des douzaines, sinon des centaines de récepteurs dans le cerveau. Le résultat, comme il le souligne, est quelque chose de profond:

Dr Bryan Roth:
Vous savez l'effet psychédélique nous révèle que ce récepteur est très important pour la régulation de la conscience [regulating consciousness]. On peut alors bloquer ces récepteurs qui pourrait générer des médications qui seraient effectives à traiter des troubles où la conscience est altérée comme la schizophrénie, la maladie d'Alzheimer. Cela ouvre une fenêtre sur la chimie de la conscience. Et parce que les effets sont tellement profonds dans la façon d'altérer la vision de la réalité des individus, cela nous indique que ce récepteur particulier joue un rôle-clé dans la façon dont nous voyons ce qui est hors de notre corps. Sous l'angle philosophico-scientifique, cela est vraiment fascinant et impressionnant.

AMT
Intéressant qu'il parle de cette fenêtre de la chimie de la conscience et cette meilleure compréhension du fonctionnement cérébral.

S'agit-il là de la vraie cause à défendre du psychédélique plutôt que l'aventure de l'auto-conscience?

AB
Bien, certainement, d'un point de vue médical, mais il y a aussi un autre argument, celui qui veut qu'en autant qu'on ne se met pas ou d'autres en danger, eh bien nous avons un droit à l'expérimentation de l'auto-conscience, des états altérés de conscience que seules les drogues psychédéliques peuvent offrir.

AMT
D'accord, continuez à apportez cet argument. J'écoute...

AB
Ce n'est pas moi qui apporte cet argument. C'est l'argument du docteur Dennis McKenna. Il a passé des années à étudier les drogues psychoactives et il est chercheur senior au Centre de recherche sur les produits naturels de l'Institut de technologie de Colombie britannique (BCIT). Voici comment il tire à grand trait son argument concernant notre droit aux substances psychédéliques:

Dennis McKenna:
Vous savez, il y a une impulsion fondamentale, je crois, de la part des êtres humains à expérimenter des états altérés de conscience et, dans ce sens, on peut dire que c'est un droit fondamental. Donc comment allons-nous évoluer dans une société qui permet cela. La vraie question alors devient: qui a le droit de décider ce qui est légitime concernant les états de la conscience et ce qui ne l'est pas dans l'usage d'une substance pour la croissance personnelle, pour sa propre évolution et ce qui est illégitime. C'est une question de liberté humaine fondamentale. Les gens devraient avoir le droit d'expérimenter des états altérés de conscience et je crois que là où l'État a un rôle légitime à jouer c'est dans la minimilisation des effets négatifs et la maximisation des effets positifs de telles pratiques.

AMT
Intéressant. Mais l'idée de pouvoir obtenir un états altérés de conscience constituerait une impulsion humaine et, par extension, un droit humain; ce qui pousse le bouchon un peu loin. Il y a ainsi beaucoup d'impulsions humaines auxquelles on met la bride par le truchement de lois ou de normes culturelles. AB Mais, je crois qu'il est intéressant de jeter un oeil à cette impulsion, spécifiquement. Comme le docteur Roth dit, du moment que l'État a fait ses devoirs pour minimiser les effets négatifs, peut-être s'agit-il alors de légiférer sur l'usage de drogues telle la salvia qui, comme nous l'avons entendu, peut être puissant. Quelle est le problème concernant le droit de donner l'accès aux gens à un autre état de conscience? De plus, peut-être y a-t-il une vraie valeur à donner aux gens des clés végétales à ces états altérés.

AMT
Continuez, poursuivez... des clés végétales à ces états altérés...

AB
Bien, laissez-moi paraphraser Aldous Huxley. De temps à autre, l'humanité a besoin d'être secoué hors de la pourriture de la perception ordinaire et voir le monde sans ces strates d'inhibitions culturelles, politiques et historiques. Et cette fraîche perspective est ce que le psychédélique peut offrir. La personne qui m'a mis sur la piste des écrits d'Huxley est Jeff Warren, réalisateur de l'émission. Auparavant il a écrit un livre "The Head Trip - Adventure on the way of consciousness" [Le voyage dans la conscience], publié par Random House et disponible cet automne.

Cela étant dit, il revient d'un séjour de deux semaines en Amérique du Sud où il a fait une retraite à l'ayawaska. L'ayawaska est un puissant hallucinogène, un peu comme le payote [cactus]. C'est une substance contrôlée au Canada, mais légal en Amérique du Sud où il a un usage historique par les populations indigènes de la région. Jeff m'a relaté son expérience et s'est penché de manière plus approfondie sur les thèse d'Huxley:

Jeff Warren:
Nous accumulons des strates à partir de notre naissance, des strates physiques, des strates d'histoires personnelles ou autres, de langues, de cultures. Toutes ces choses tordent, forment et contraignent la façon dont nous sommes conscients du monde, dans la façon dont nous l'envisageons, la façon dont nous envisageons notre propre présence, dans la façon dont nous transigeons avec l'autre. En tant qu'individu, nous avons l'impression de provenir d'un lieu objectif. En fait, nous voyons au travers de cet objectif incroyablement modelé et réfractaire avec toutes ces couches de protocoles qui modifie notre expérience tout le temps. Je pense que ce que les substances psychédéliques peuvent faire consiste à fragmenter cette vision dénuée de sens, aider à amplifier pour voir le grain de ces différentes couches et cela vous permet de constater que la façon dont vous existez dans le monde est conditionnée par ces différentes strates.

Cela amplifie non seulement votre perception mes vos désillusions. C'est cela qui est le plus désopilant, car beaucoup de ce qui vous verrez ne fait aucun sens. À long terme, l'habileté consiste à reconnaître les nuances. Cela est très difficile à réaliser. Mais c'est la même chose que d'aller en thérapie, en méditation prolongée ou autre chose du genre. Votre conscience vous révèle des preuves conflictuelles et il vous faut apprendre à distinguer ce qui vous est utile de ce qui est inutile.

AMT
D'accord, il y a un risque dans ces différents états de conscience qui donc, selon Jeff, pourrait être inutile [rubbish].

AB
Oui et je pense que c'est un important risque dans l'idée de savoir si nous avons un réel droit à ces voyages offerts par les substances psychédéliques. Quand je discutais avec le docteur Roth, l'expert de la salvia, qui avait de sérieuses réserves quant à l'usage récréationnel de la salvia, il m'a dit qu'il était un bouddhiste pratiquant et il a ajouté que quelque soit la perception que l'on puisse obtenir par l'usage de la salvia, elle est minime par rapport à ce qui peut être obtenu notamment par les pratiques bouddhistes authentiques.

AMT
Jeff a aussi fait référence à cela, que la méditation peut offrir des moyens similaires pour réaliser ces états de conscience alternatifs.

AB
J'ai en fait parlé au pasteur [sic] bouddhiste de l'université de Toronto, Bhante Saranapala, concernant la distinction entre des états alternatifs de conscience offert par la méditation et ceux offerts par les substances psychédéliques. Contrairement à ce que disait Jeff Warren concernant la suppression des strates de cultures et d'expérience pour voir le monde au travers de lunettes sans obstacles, la méditation fait exactement le contraire. Elle nous force à examiner toutes ces choses que les substances psychédéliques se débarassent si rapidement pour examiner nos stress, nos politiques, nos cultures, quoi que ce soit qui nous fait trébucher dans notre esprit. Une fois que vous en avez terminé avec cette examen-là, selon la théorie, votre esprit est libéré et vous connaissez ce "calme" sans obstruction de votre conscience et, en quelque sorte, le résultat final peut être similaire avec ce que l'on réalise avec les substances psychotropes, mais le chemin pour y arriver est totalement différent:

Bhante Saranapala
Je vais vous parler de la distinction entre le "calme" artificiel et le "calme" naturel. Quand vous prenez, mettons, des drogues légales, cela vous donne un calme artificiel, contraint, imposé. Mais le bouddhisme vous procure une alternative naturelle en ce que nous appelons méditation pour realiser l'état naturel de conscience. Voyez-vous, la plupart du temps ce que nous faisons c'est de cacher la réalité. Dans la méditation, nous laissons la réalité cachée apparaître à la surface, les choses que j'ai vu, les choses que j'ai entendu, les choses que j'ai goûté, les choses dont j'ai l'expérience physiquement. Une fois que vous avez la stabilité et le nettoyage de l'esprit, il cesse de réagir aux choses qui vous sont autant d'attaches.

AMT
Ainsi la méditation sans drogue peut vous secouer hors de ces "pourritures" de perception décrite par Huxley.

AB
Oui, mais vous savez, la médition est un dur travail...

AMT
Oui, mais il n'en coûte pas 34,20 $ pour huit, euh un gramme!

AB
Oui mais, comme le révérend Saranapala m'a confessé plus tard, la méditation est un dur travail et il est difficile d'atteindre cet état de conscience. De là la difficulté de vendre l'idée de la méditation dans une société qui est constamment à la recherche de gratification immédiate.

AMT
Donc, est-on plus en mesure de savoir si les gens devrait avoir un droit de prendre des drogues comme la salvia comme méthode d'obtention de ces états alterés de conscience?

AB
Je ne crois pas qu'il y ait une réponse définitive. Au contraire, je pense que cela soulève encore d'autres questions, tel que quel rôle devrait jouer la société à réglementer les impulsions individuelles à expérimenter différents états de conscience? Et si nous décidons de règlementer cela, où met-on une limite? À une drogue légale comme la salvia? Je ne sais pas. Mais je crois qu'il faut attendre pour le savoir.

AMT
Aaron Brindle, merci.

AB
Cela m'a fait plaisir.
~ ~ ~ ~ ~

Aussi, une intéressante série de BBC World Service diffusée en 1998: Plants of Power (en anglais) Experts discuss how different cultures throughout history have used mind altering plants for intoxication.

lundi 23 octobre 2006

Guelb el-Richat = Mégantic ?


Je vais quelquefois consulter les archives de l'émission Découverte diffusée sur les ondes de la télé de Radio Canada, histoire de trouver quelque chose de précis ou simplement de glaner au hasard des sujets "scientifiques" intéressants.
C'est ainsi que je suis tombé sur ce reportage concernant un site mauritanien qui a d'abord pu intriguer les premiers astronautes car ce n'est qu'à partir d'une imagerie satellitaire ou d'une observation de très haut qu'apparaît dans toute son ampleur et sa splendeur ce curieux phénomène.
Une équipe de chercheur en géologie de l'UQÀM a décidé d'aller explorer le Guelb el-Richat, immense structure sphérique dans le désert de Mauritanie. La formation rocheuse aurait été créée il y a environ 100 millions d'années durant le crétacé. Les conclusions de la recherche permette désormais de comprendre le phénomène du magma sousterrain accompagné de vapeurs d'eau qui auraient fait se dissoudre certains types de roches, tel le calcaire et permettre la préséance d'autres, tel le quartz, comme en ce qui concerne le Richat de Mauritanie.
Les géologues spéculent donc que du fait de la proximité des continents africains et américains à cette période géologiques, on pourrait être tenté de croire que le Mont Royal, le mont Beloeil, le monts Saint-Bruno et Saint-Hilaire, de même que le mont Mégantic aurait tout autant été formé à partir de ce type de rencontres géologiques entre magma, vapeurs d'eau et types de roches. On est à examiner le mont Royal pour tenter de démontrer l'hypothèse. Un reportage vidéo de 9 minutes à voir en Window Media Player qui s'ouvre normalement automatiquement en cliquant sur ce lien.

À gauche le mont Mégantic qui sans la végétation partage beaucoup de similitudes avec le Richat.
Pour en savoir plus: chez wikipedia en néerlandais pour les photos et cliquez sur le lien anglais à gauche pour en lire la rubrique. Malheureusement, personne n'a encore écrit de rubrique en français sur le sujet.

dimanche 22 octobre 2006

Un mois dans l'automne...

Ouais... il a plu. J'ai rencontré Noé on my way home et il m'a offert une ride...

Et puis, il a neigé. C'est arrivé durant l'intense pluie et le noroît à écorner les bœufs. Le mercure est passé de 9 à 0º plus vite qu'il n'en faut à une voiture de F1 pour parcourir la distance entre les lignes de départ et d'arrivée.

Hier soir, je me suis retrouvé au café La Belle Étoile à N D des Bois, pour le souper-spectacle mettant en scène Michel Garneau, le poète et l'animateur radio, celui qui était à la timonerie des Décrocheurs d'étoiles à la défunte chaîne culturelle de Radio Caca. Je me suis retrouvé en plus à faire le serveur et le commis débarrasseur en même temps que René, celui qui m'a vendu le terrain. Les deux serveuses avaient des empêchements en béton. En plus je faisais le photographe officiel de l'événement. La poésie de Garneau en est une de péripéties, d'observations et de revendications. Ce fut une belle soirée. Maude qui s'est démenée depuis deux mois pour organiser des soirées-spectacles de bon calibre dans ce village de 700 habitants était ravi.

Je ne pouvais m'empêcher après d'aborder publiquement avec lui, la fin de la Chaîne culturelle de Radio Canada et son renvoi, lui, sans préavis, comme tant d'autres, alors que deux semaines auparavant la direction lui avait laissé savoir comment elle appréciait son travail. L'émission aura sans doute été la plus libertaire à jamais avoir été en ondes à Radio Caca. Dit à Paul Cauchon dans l'Agenda du Devoir du 14 octobre: « En quittant Indicatif présent en pleine gloire en juin dernier, Marie-France Bazzo faisait également remarquer au Devoir que "l'espace de liberté a tendance à se réduire à Radio-Canada" ».

Les travaux de réaménagement de la nouvelle localisation de la cabane vont bon train. C'en est presque fini.

Il reste tout de même une sacré panoplie de petites choses à accomplir surtout du côté du colmatage parfait car à -30º, toute brèche devient une autoroute de froid. La grande vitrine d'un peu plus de 4m² a été fabriquée avec des panneaux de verre ainsi recyclés. Le jour où je pourrais habiter un espace à mon goût, le verre sera tout aussi présent.

Il reste aussi à faire du drainage tout autour car les pluies des derniers jours ont servi de révélateur à l'énorme quantité d'eau au sol en petits étangs ici et là. D'autres photos suivront plus tard...

vendredi 13 octobre 2006

Folie

La cabane originale ne payait pas de mine. Construite en urgence un 15 juillet de 20h30 à 23h30 avec neuf chats dans des cages qui attendaient de sortir de là, c'est en m'enfermant avec eux pour y passer ma première nuit dans un concert de maringouins que commença cette aventure rocambolesque.
Puis l'automne dernier, je fis en vitesse des agrandissements afin d'abriter et de mieux subir l'hiver qui s'amenait précocement. Ce fut la continuité d'une certaine forme de la vie dure avec l'eau des chats qui gèle dur dans le bol sur le plancher et le lit finalement juché à 1,5 m du plancher où il y faisait tout de même 21ºC! Le plus grand écart de température sur une si courte altitude.
Là, il fallait vraiment que je me décide à tout chambouler et à faire ce que je voulais, à savoir déménager la cabane et d'agrandir un peu, mais auparavant construire un étage bas qui servirait à la fois de remise et d'amorce de chaleur, car il n'était pas question de passer un deuxième hiver dans cette situation limite que fut celle de l'hiver précédent.
Je le faisais aussi car je suis obsédé par le regard des intrus depuis la route. Là où je me suis déplacé, que nenni! Je peux pas zêtre vu.

Alors il a fallu tout de même abattre quelques arbrés chétifs.


Je construis strictement avec des matériaux recyclés. Les palettes de marchandises forment désormais la base.


Puis l'an dernier, j'ai dessiné et fabriqué une toiture plate amovible et transportable par une personne assez forte.


Le plus difficile fut de déménager la base de l'autre cabane. Elle pèse une centaine de kilos. Je l'ai roulé... si on peut dire. Et puis j'ai remonté les murs avec des modifications, toujours à partir du peu de matos à ma dispo.
Maintenant la cabane sur cette base sera au chaud.

Pleine lune d'octobre au coucher du soleil

samedi 7 octobre 2006

Arrêt sous un viaduc pour y réfléchir


Samedi dernier je profitais de la journée pour donner un coup de peinture à la bordure de métal d'une toiture chez des gens chez qui j'avais déjà peint plus tôt dans le mois.
Pendant que je peignais, à quelques 230 km de là s'effondrait une moitié de tablier de viaduc. À un moment donné je me retrouvai dans la maison où la télé perpétuellement ouverte était branché sur RDI. Je me suis dit: "Ça y est, il ne se passera plus rien de la journée". Que cela. Que ce viaduc effondré, catastrophe nationale.
Loin de moi l'idée de laisser croire que je suis insensible au sort de ces gens qui se sont trouvés au mauvais endroits au mauvais moments. Il aurait pu tomber à 3 heures du matin que personne ne s'en serait ému. De là à nous offrir ce spectacle tel l'instauration de la loi martiale, il n'y a qu'un pas. C'est l'impression que donne ce tapage d'information spectacle mur à mur qui ne traite que d'un seul sujet des heures durant.
Et puis lundi et mardi, j'ai écouté deux tribunes téléphoniques auxquelles je n'ai pas participé car j'étais dans une autre maison à faire d'autres travaux et il n'y avait pas de téléphone, peut-être fort heureusement. Car j'ai quitté cette région-là qui avait fini par me dégouter de la vie.
J'assiste impuissant à la déchéance d'une civilisation qui s'effondre sous un viaduc. Fort trop souvent, les matins de la semaine, j'écoute involontairement les rapports de circulation de cette région-là, car à 200 km plus loin, c'est ce que la radio nationale nous offre à écouter parmi la revue de presse ringarde des journaux (qui n'inclut toujours pas les nouveaux médias en cette ère de l'internet), la chronique arts et spectacles, les infos du sport, etc. J'ai souvent le réflexe de fermer la radio lors de ces rapports de circulation donnés sur un ton alarmiste et suranné.
Je ne peux être que complètement incrédule en y comprenant que des gens passent près de deux heures chaque matin et autant chaque soir pare-chocs à pare-chocs pour aller faire ainsi leur temps agglutinés, centralisés, contrôlés comme des troupeaux ou des détenus. Il est sûr qu'il est très difficile de faire autrement lorsque l'on vit une illusion. Ce mode de vie vous happe et vous retient et il faut de la détermination pour s'extirper de sa tenaille soporifique.
Le viaduc qui s'écroule est tragique peut-être mais il m'est surtout apparu hautement symbolique de par le regard que je porte à cette société qui passe à côté de l'essentiel. Et puis il y a que dans la moulinette de la pseudo information, le viaduc s'écroule aussi sur la tuerie du collège Dawson. J'imagine une société fictive où l'on fabriquerait des événements pour tenir les gens en haleine... Ainsi ils n'auraient pas à avoir le temps de réfléchir à quoi que ce soit, mais à s'éxécuter pour que rien ne change, pour que les choses restent telles qu'elles sont pour les siècles et les siècles. Amen.
J'ai un jour imaginé un scénario où quelqu'un qui regarderait distraitement les nouvelles à la télé verrait l'écroulement des tours du World Trade Center traité en toute fin de JT; juste avant la météo... "Et puis, à New York, les deux tours du World Trade Center se sont écroulées ce matin par l'attaque de terroristes qui y font fait percuter deux avions de lignes. À la météo maintenant. Que nous réserve les prochains jours Virginie? Nous aurons du beau temps pour les trois prochains jours..."
Montréal ne cesse de prendre de l'expansion. Ce n'est pas la seule ville qui gonfle ainsi on ne sait trop pourquoi. Cela ne m'impressionne vraiment pas, surtout lorsque j'écoute forcément les rapports de circulation à la radio et que je suis trop loin ou trop paresseux pour la fermer. J'ai eu l'immense privilège (s'il en est) de vivre au cœur de cette ville pendant 19 ans. Je n'y ai pratiquement jamais subi d'heures de pointe. Comment cela se peut-il?
Partout où j'ai vécu, que ce soit à Québec, Vancouver ou Montréal, je me suis toujours arrangé pour vivre à distance humaine des mes activités, c'est-à-dire à pied ou à vélo. Il en est de même ici à la campagne oû je fais à vélo 14 km en tout au plus ¾ d'heure, été comme hiver. Cela demeure raisonnable en ce qui me concerne, puisque je contemple des paysages et ai amplement le temps de respirer.

La voiture c'est la liberté. J'en veux des preuves. L'étalement urbain a pris des proportions inouïes depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. À partir de ce moment-là, l'économie s'est déroulée comme un tapis sur cette seule présence de la voiture privée et individuelle. Avec le résultat qu'aujourd'hui il faut aller de plus en plus loin.
Je n'insisterai pas ici sur le thème car il y a déjà assez d'études et d'ouvrages de toutes sortes qui en traitent clairement. J'ajouterai simplement qu'il va de soi que mathématiquement si l'on agglutine des millions de gens dans un même endroit, tôt ou tard des dérapages majeurs sont à craindre. Il est déjà étonnant que les choses soient au quotidien si "normal".

jeudi 5 octobre 2006

Revers de l'agriculture biologique


Il y a tout de même des aberrations dans l'agriculture biologique présente au moment où ses produits deviennent disponibles dans les grandes surfaces. Le questionnement fait l'objet d'un documentaire radio en trois épisodes,dans le cadre de l'émission Idea sur CBC Radio One.
Ainsi pour amener sur la table du consommateur québécois ou canadien, une calorie de laitue biologique, pas moins de 65 calories d'hydrocarbures sont nécessaires pour son transport d'un bout à l'autre du continent. Il ne s'agit pas ici de dénigrer l'agriculture biologique. Bien au contraire. Mais nous devons réfléchir à ce genre de choses.
Dans ce documentaire fort bien mené, nous apprenons quantité de concepts et de fonctionnement problématique. Il y aurait beaucoup à dire sur l'agriculture conventionnelle qui est désormais destructrices d'environnement, incapable de sensibilité envers les animaux, exemptes des reglementations sur la pollution, subventionnée à souhait alors que dans ce dernier cas, il serait tellement plus logique de subventionner l'agriculture biologique locale, au lieu d'importer sur 5000 km de la laitue, pour ne mentionner que cela.
La Californie fournit 85% des fruits et légumes biologiques disponibles en Amérique du Nord. Cela est inacceptable. La Californie est pratiquement un désert. Elle importe l'eau d'autres États américains, notamment du fleuve Colorado à au moins un millier de kilomètres! Il y a au Québec quelques personnes qui s'acharnent à faire de l'agriculture biologique mais il n'existe pratiquement rien pour la distribution et ces courageux/ses fermiers sont vus par les autres fermiers tels des hérétiques.
De plus, à partir du standard "biologique" de la USDA (United States Department of Agriculture), il est interdit d'avoir utilisé des produits chimiques toxiques, des égouts, l'irradiation, les OGM, les hormones de croissance, les antibiotiques, les l'alimentation des animaux à partir de sous-produits animaux. Selon certains, l'agriculture biologique n'est pas que cela, c'est une façon de réfléchir et d'évoluer dans la société, notamment l'achat local, le rapport entre les citoyens et les fermiers, etc. Mais l'agriculture biologique californienne est devenue une partie intégrale de l'ago-business. De plus certains des grands fermiers biologiques ont été rachetés par les grands consortiums, mais vous ne le verrez pas sur leurs étiquettes...
Dans le documentaire, on parle des animaux supposés "free range", qui n'en sont pas vraiment. Il est bien sûr question de la définition du mot "biologique" dans chaque épisode. Il a fallu s'entendre sur une définition et, en bout de ligne, ce n'est pas très orthodoxe. Puis il y a ce fermier de Virginie qui applique les méthodes de Sir Albert Howard, le pionnier de l'agriculture biologique. Il est plus "biologique" que la plupart de ceux qui se targue de l'être mais refuse d'être homologué "biologique'. Son point de vue est particulièrement intéressant.
Dans le troisième épisode il est question des CSA (Community Supported Agriculture), un système qui permet aux gens d'acheter d'avance les légumes d'une récolte, permettant ainsi aux fermiers de ne pas être les seuls à assumer les risques. C'est au Québec que le système est le plus populaire, rejoignant quelques 24 000 personnes. Il s'agit donc d'être concret. Les exemples de la Colombie Britannique sont donnés durant le troisième épisode.
La règlementation sur l'alimentation ne fait pas dans les nuances. Les mêmes règles s'appliquent de la même façon aux énormes fermes qu'aux petites. Les exigences sont telles pour les petits qu'il est impossible d'exister. Pourtant, les risques dans l'agriculture industrielle sont énormément plus grands que dans les petits établissements.

CBC Radio One
Ideas
Organic goes mainstream
D'abord diffusé les 6, 13 et 20 juin 2006

mercredi 4 octobre 2006

La guerre dans un pays qui n'existe plus?


Alors que je prenais mon petit déjeuner hier matin, je me suis mis à écouter une émission sur CBC Radio One qui s'appelle The Current. Anna Maria Tremonti, hôtesse de l'émission, fut longtemps correspondante pour CBC télé et radio, tantôt au Moyen Orient, tantôt à Londres notamment. Elle a une grande connaissance des dossiers de la politique internationale. L'émission d'affaires publiques en est une d'un regard sur la marche du monde ou du coin de la rue au travers d'entrevues qu'elle conduit au quotidien.
Hier matin, elle recevait Peter W. Galbraith, moins connu chez les francophones que son père John Kenneth Galbraith. Pourtant, il a un parcours fort honorable. Cette partie de l'émission portait sur la présence militaire américaine en Irak, alors que selon Galbraith, le pays lui-même n'existe plus... J'ai décidé de faire la transcription complète de l'entrevue car elle m'apparaît capitale. De plus j'offre des liens par la suite en anglais pour ceux et celles qui veulent en savoir davantage. Je ne sais pas si ce livre sera traduit à temps pour que cela soit significatif et, à mon sens, il aurait dû déjà être traduit et disponible en français. Pardonnez à l'avance les fautes... Je corrigerai une autre fois...
The Current
Mardi 3 octobre 2006
Étant donné que la situation en Irak continue de se détériorer dans ce que d'aucuns appelle une guerre civile, une des options qui jusqu'à récemment étaient impensables, c'est celle qui voudrait que les Américains retirent leurs troupes et laisse le pays s'organiser lui-même et cette idée-là fait beaucoup d'adeptes. Peter Galbraith est parmi ceux-là. Pendant près de 15 ans, il a agi à titre de conseiller senior du comité des affaires étrangères du Sénat américain. Il a joué un rôle-clé dans la divulgation des crimes de Saddam Hussein envers les Kurdes, crimes pour lesquels l'ancien président est maintenant jugé.
Par la suite, Peter Galbraith est devenu les premier ambassadeur américain dans la Croatie nouvellement indépendante. Récemment encore, il était professeur au Collège national américain de la guerre [US National War College], poste duquel il a démissionné pour protester contre la façon dont la guerre en Irak est mené.
Maintenant, dans un nouveau livre, Peter Galbraith dit qu'il est temps de sortir les troupes de l'Irak. Si nécessaire, laissons le pays se diviser si c'est le choix. Le livre s'intitule The end of Iraq: How American incompetence created a war without end. [La fin de l’Irak - Comment l’incompétence américaine a créé une guerre sans fin] Peter Galbraith se trouve à Boston. Bonjour.

Peter Galbraith:
Bonjour.

Anna Maria Tremonti:
Il y a une très vieille histoire dans votre livre au sujet d'un serviteur qui a une rencontre avec la mort. Racontez-nous l'histoire.

PWG.:
Oui. Elle est relatée par Somerset Maugham et je l'ai incluse au début de mon livre. Un maître envoie son serviteur au marché à Bagdad. Pendant qu'il est au marché, il est bousculé par une femme. Et quand il se retourne, il voit la femme et se rend compte que c'est la mort. Il retourne au pas de course à son maître et lui raconte l'épisode. Il lui dit: "Maître, je dois partir d'ici. Je vais aller à Samarra et fuir mon destin ”. Le maître est un bon homme et va au marché. Il trouve la mort et la confronte. "En quel honneur faites-vous peur à mon serviteur ce matin?" La Mort se retourne et lui dit: "Bien monsieur, mon regard ne servait pas à l'effrayer mais à montrer ma surprise de le voir ici à Bagdad, car j'ai rendez-vous avec lui ce soir à Samarra." Et j'ai inclu cette histoire au début du livre, car le moment charnière cette année fut la destruction du lieu saint d'Askaria qui a déclenché une autre étape, voire l'intensification de la guerre civile en Irak. J'étais à Bagdad en train de terminer le livre quand cela est arrivé. Mais je l'inclus aussi parce que c'est une parabole merveilleuse de conséquences imprévues. Les Américains sont allés en Irak - l'administration Bush - avec l'intention de transformer l'Irak en une démocratie, ce qui par la suite aurait un effet domino sur l'Iran adjacent, la Syrie. Ils ont réussi à changer l'Irak, mais le grand vainqueur s'avère être l'Iran qui domine maintenant le sud de l'Irak, ce qui est aujourd'hui quelque chose qui inquiète beaucoup le Koweït, l'Arabie Saoudite, Bahreïn, toutes les régions où l'on retrouve de grandes populations Chiites, assises sur de grandes quantité de pétrole.

AMT:
Bien, laissez-moi vous demander... l'événement du début de votre livre, l'événement du 2 février dernier à Samarra, l'explosion du lieu saint Askaria, s'agit-il là, à votre point de vue, du moment où l'Irak serait mort ou se terminerait? P.G.: Je pense qu'il est difficile d'établir un moment précis, mais je pense qu'il s'agit là d'un moment aussi valable que n'importe lequel. Je suppose que l’autre événement qu’on pourrait choisir est ce qui est arrivé le 9 avril 2003, le jour où les Américains sont entrés à Bagdad, se sont débarassés de Saddam Hussein et les Américains se sont non seulement débarassés de Saddam, ils en ont détruits l’armée. Un mois plus tard ils l’ont formellement démembrée. Ils se sont débarrassés des services de sécurité du Bat’h. Ainsi, d’une certaine façon la dissolution du pays en était la conséquence logique, mais je pense qu’on pourrait dire de la destruction de lieu saint d’Askaria et l’escalade de la guerre civile qui s’ensuivit, qu’il s’agit là de la lance qui frappe au cœur du corps de l’Irak. AMT : Mais que veut dire au juste la “ fin de l’Irak ”. Si l’Irak est fini, qu’advient-il par la suite. Comment l’appelle-t-on. A quoi allons-nous assister?

PWG:
Il s’agit là certainement la raison du livre, à savoir que l’Irak c’est terminé et, incidemment, je ne pense pas que ce soit là entièrement une mauvaise chose! Après tout, c’est un pays qui a été conçu par les Britanniques pour des raisons coloniales à la fin de la première guerre, les Kurdes n’ont jamais voulu faire partie de ce pays-là et se sont toujours rebellés. Il a été maintenu comme tel par l’utilisation d’une grande brutalité. Nous vivons dans un monde où le droit à l’auto-détermination et l’une des valeurs internationales et, à titre d’exemple, on l’a acclamé en 1991 quand l’Union soviétique s’est brisée. Mais nous aurions préféré que ce qui s’y est passé [en Irak] aurait plus ressemblé à ce qu’il advenu de l’Union soviétique ou la Tchécoslovaquie plutôt qu’à la Yougoslavie, à savoir un conflit sanglant et semble-t-il déraillée. Mais certainement l’Irak va se diviser en deux États. Il y a un déjà un Kurdistan indépendant en tout sauf en titre. Que la partie arabe de l’Irak forme un État gouverné par les Chiites qui oppresseraient les Arabes Sunnites, en autant que les Chiites peuvent remporter cette guerre civile, il s’agit là d’une option. Une autre option serait cette fédération relâchée entre Sunnites et Chiites, chacun gouvernant sa région. Je crois que dans la troisième possibilité, on aurait deux États séparés, les Chiites dans le Sud et les Sunnites dans le Nord…

AMT:
… et je voudrais explorer un peu plus avec vous ce que cela pourrait signifier et où les problèmes pourraient survenir. Mais avant que nous allions dans cette direction, j’aimerais savoir où vous vous situez dans le débat présent qui parle d’une guerre civile ou non. Considérez-vous que ce que vous voyez en Irak en ce moment peut être qualifié du vocable de guerre civile?

PWG:
Il n’y a pas l’ombre d’un doute à ce sujet. Quand vous avez une centaine de personnes par jour qui se font tuer dans des violences sectaires entre Sunnites et Chiites, vous ne pouvez pas en parler autrement.

AMT:
Alors, dans la situation présente, quelle est le degré de faute que vous attribuez à l’administration Bush?

PWT:
Bien… Il s’agit de la pire des aventures de la politique étrangères des Etats-Unis de toute mon existence! Il se peut que ce soit la pire de toute l’histoire américaine, en tout cas depuis que Benedict Arnold a attaqué le Canada en 1775. Et l’incompétence commence avec l’envoi de quelques troupes, jusqu’à l’entrée dans Bagdad, sans aucun plan dans le but de maintenir la sécurité, avec le président qui ne s’est jamais décidé si on devait garder ou démanteler l’armée [irakienne], sans plan pour une occupation de longue durée où le transfert du mandat à l’armée locale, avec le résultat que nous avons essayé de faire le deux en même temps. La responsabilité pour ce qui est arrivé est énorme. Cela étant dit, les racines de la guerre en Irak ne sont pas le fait de l’administration Bush, elles reposent dans les divisions inhérentes à l’Irak entre les Sunnites qui règnent pas la force, les Chiites par la majorité, les Kurdes qui ne veulent pas faire partie de l’Irak. La chose la plus étonnante de la part de l’administration Bush est qu’elle n’avait aucune idée que cela était la situation et cela aussi est impardonnable.

AMT:
Là encore, vous faites le parallèle avec l’ancienne Yougoslavie, avec l’Irak comme la Yougoslavie, maintenu dans un ensemble par des hommes forts. Et quand Saddam Hussein à été retiré de la joute, ces divisions sont apparues plus prononcées à notre regard.

PWG:
Cela est essentiellement vrai. La Yougoslavie fut un temps un succès et supportée par ses citoyens…

AMT:
… en fait, je ne devais pas trop en faire un parallèle…

PWG:
… non, non, non! La parallèle est en fait extrêmement important et, en fait, comme vous savez, j’ai été le premier ambassadeur américain en Croatie. Je suis frappé par l’une des leçons que j’y ai appris : lorsque vous avez des gens dans un situation géographique qui unanimement ne veulent pas faire partie d’un pays, vous ne pouvez pas les y obliger autrement que par le force. Si vous voulez une démocratie ou même un régime modérément autoritariste, vous ne pouvez pas les garder dans ce pays. L’autre leçon que j’ai apprise, c’est que lorsqu’un pays se brise comme la Yougoslavie, il vous faut concentrer vos efforts à diminuer les pires effets de la guerre qui peut s’ensuivre. C’est une folie de mettre les œufs dans le même panier et essayer de maintenir l’intégrité du pays. C’est ce que nous avons faits nous [les Américains] et les Européens à la fin de 1991 en ce qui concerne la Yougoslavie et nous avons raté la chance de prévenir la terrible guerre qui a sévi par la suite.

AMT:
Donc, parlons des trois groupes en commençant par les Kurdes, le groupe avec le plus grand nombre de raisons d’accès au statut de nation. Vous avez dit qu’ils étaient déjà indépendants sur tous les plans, sauf le nom à ce moment-ci. Mais qu’en est-il des difficultés, des frontières, de la Turquie avec sa forte population kurdes, un pays de l’OTAN qui a ses propres difficultés avec le mouvement indépendantiste kurdes.

PWG:
C’est une question extrêmement importante et vous l’avez formulée exactement. Pendant des décennies la Turquie s’est préoccupée du nationalisme kurde, le fait que la Turquie insistait qu’elle n’avait pas de Kurdes sur son territoire, seulement des gens qu’elle appelait des Turcs des montagnes. Cela étant dit, il y a une vaste acceptation en Turquie qu’il n’y a pas un grand nombre d’options pour prévenir l’émergence d’un Kurdistan indépendant. Il y a bien sûr un groupe de la ligne dure qui voudrait voir instaurer un blocus économique, mais il y a un mouvement croissant qui considère qui peut-être qu’un Kurdistan indépendant n’est pas si mauvais. Après tout qui sont les Kurdes. Ce sont des gens séculaire, avec une orientation occidentale qui aspirent à la démocratie et ils ne sont pas Arabes. Bref, ils ont beaucoup de similitudes avec nous! De plus, un Kurdistan indépendant pourrait utilement servir de zone tampon avec un Irak dominé par les Chiites iraniens.

AMT:
Parlons maintenant des Chiites en Irak. Vous parlez de quelque chose qui s’appelle Shiastan. De quoi s’agit-il?

PWG:
Il s’agit de neuf gouverneurs de l’Irak. L’Irak a 18 gouverneurs. Donc il s’agit de la partie sud du pays. Abdel Aziz Hakim qui est le chef du plus grand parti chiite, le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak a proposé la création d’une entité chiite avec exactement les même pouvoir que le Kurdistan, donc le droit d’avoir sa propre armée, un droit que possède le Kurdistan selon la constitution irakienne, contrôle substantielle de ses ressources pétrolières (80% des réserves de pétrole de l’Irak sont au sud). Il parle même d’avoir une frontière solide avec des gardes à la frontière avec l’Irak sunnite afin de se garder contre les terroristes. La proposition de la création de cette entité shiite - Shiastan si vous voulez - est maintenant devant le Parlement irakien. Si la proposition est acceptée et je présume qu’elle le sera, il y aura un délai de 18 mois avant qu’elle soit appliquée. Mais dans les fait le Shiastan existe déjà. Le sud n’est pas contrôlé par Bagdad. Il est contrôle par un gouvernement local théocratique qui fonctionne selon le modèle iranien, avec sous-jacent la loi islamique souvent plus strict qu’en Iran avec une milice de mouture locale. AMT : Il y a une autre variable ici. Il s’agit de la minorité sunnite qui a passé le plus clair du vingtième siècle au pouvoir. Comment réagissent-ils à l’idée (bon on sait qu’il y a une guerre civile), comment réagissent-t-ils avec cette idée qu’il pourrait y avoir plus de contrôle avec ce genres de partition/division?

PWG:
Le problème central des Sunnites, c’est qu’ils n’ont pas de chef qui parle en leur nom. Il y a aussi le problème du soulèvement qui en soit est multiple, incluant des éléments étrangers, tel Al-Qaeda, des éléments salafis locaux, ces islamistes fondamentalistes qui voient les Chiites tels des héritiques. Et puis il y a les anciens Bathistes. En ce moment, ils sont tous ligués contre le pouvoir chiites et les Américains. Cependant, il y a des divisions internes considérables qui rendent difficiles un quelconque porte-parole pour les Sunnites. Pour ce qui est de discerner une vision sunnite à partir de ses chefs élus : ils sont contre le fédéralisme, ils sont contre le démantèlement de l’Irak. Mon sentiment est plutôt que leur position tient de celle du trouble-fête. S’opposer au fédéralisme tient moins sur les mérites du concept que de s’opposer au Chiites et, dans une moindre mesure, aux Kurdes.

AMT:
Je me demande comment un État sunnite pourrait survivre s’il est coupé des revenus du pétrole et de sa propriété et qu’il serait entouré par deux États qui considèrent toujours les Sunnites, tel des apologistes de Saddam Hussein?

PWG:
Il s’agit là d’une des difficultés. Mais cela a à voir avec des choix. Le choix des Sunnites n’est pas quelque monde idéal d’un Irak multiethnique. Ce n’est pas de retourner à un Irak qu’ils gouvernaient. C’est le choix d’avoir leur propre région, gérer leur propres affaires ou alors faire partie d’une région arabe unique et être dominé par les Chiites. Il me semble que le meilleur choix pour eux consiste à former leur propre territoire, d’avoir leur propre armée régionale (quelque chose de permis dans la constitution irakienne) et s’occuper de leur propre sécurité.

AMT:
Et pourtant, vous soulevez le problème avec la division en trois régions et vous persistez à croire que c’est la meilleure porte de sortie, la meilleure façon laisser les choses se faire.

PWG:
Absolument! Il n’y a pas de bonne solution. La seule façon d’envisager le tout est d’envisager les alternatives. Le fait est que le pays est déjà démantelé. Et alors, si vous le voyez de la sorte, le choix est alors : essayons-nous de recoller les morceaux [put Iraq back together] ou acceptons-nous la réalité d’un pays qui n’existe plus [a country that has broken up]? Et, incidemment, je ne suis pas en faveur de cette disparition de l’Irak. Je ne revendique pas la partition de l’Irak. Je dis que cela est déjà arrivé et que nous devrions travailler avec la réalité.
Considérons que nous voulions prendre un autre chemin et recoller les morceaux. Eh bien, recoller les morceaux d’Humpty Dumpty. Que faudrait-il alors? Il faudrait que les troupes américaines aillent dans le sud, démantèlent les théocraties qui règnent là-bas et désarmais les milices chiites. Cela veut dire prendre d’assaut un tout nouvel ennemi en Irak qui est beaucoup plus puissant que les rebelles sunnites et qui ont un commanditaire, l’Iran, à proximité. Le président Bush n’a pas l’intention d’étendre la mission pour ce faire.
La seconde chose qu’il vous faudrait faire pour remettre l’Irak sur rail, serait de mettre fin à la guerre civile. Et comme vous ne pouvez pas utiliser les forces irakiennes pour ce faire (il y a des partisans chiites et sunnites) dans la guerre civile, il vous faudra utiliser les troupes américaines comme policiers dans des places comme Bagdad. Cela voudrait dire beaucoup plus de troupes, exposant les troupes à des plus grands risques et le président Bush n’a aucun intention de le faire.
Ainsi, l’administration Bush ne veut pas mettre fin à la guerre civile, ne veut pas mettre fin aux régimes théocratiques, n’a aucune chance de convaincre les Kurdes de mettre fin à leur projet d’indépendance. Donc nous avons déjà la réalité d’un pays démantelé. S’il s’agit de cela, c’est ce que les éléments locaux voulaient : le pays est brisé. Il me semble que la logique est de supporter ces régions dans le sud pour tenter de formaliser les choses, de sorte que ce ne sont pas des bandes de régimes thécratiques avec leur propres milices, mais que ces milices deviennent une armée du sud.
Cela laisse seul les Sunnites et la meilleur façons de convaincre les Sunnites, c’est qu’ils aient leur propre territoire/région

AMT:
… En bout de ligne, ce que vous proposez, permettre à ces choses de se passer comme elles se passent, c’est aussi une façon de permettre aux troupes américaines de se retirer de l’Irak.

PWG:
Oui et incidemment, l’administration Bush a adopté jusqu’à un certain point ce que je dis, car bien qu’ils disent qu’ils sont engagés pour un Irak uni, ils laissent aussi ces événements se dérouler comme ils le font. Mais si vous acceptez que le pays n’est plus, alors vous pouvez analyser quel type d’objectif l’on sert en y gardant les troupes de la Coalition. Si nous n’allons pas bâtir une démocratie dans le pays, si on n’est pas là pour démanteler des théocraties au sud, si on ne va pas désarmer les milices, alors il n’y a aucune raison d’avoir des troupes dans la partie sud du pays. Je crois que ces troupes doivent être retirer demain, d’autant plus que le sud est “ stable ”, même s’il est gouverné par des groupes religieux pro-iraniens.
En ce qui concerne Bagdad, oui il y a une terrible guerre civile avec des tueries sectaires, si l’on s’en va il y aura cette terrible guerre avec ces tueries sectaires et si nous restons ce sera aussi le cas. Si on ne va pas arrêter la guerre civile à Bagdad, je ne vois aucune raison d’y être. En ce qui concerne la région sunnite, nous avons un intérêt : celui qu’Al-Qaeda n’ai pas de base dans cette région d’où il pourrait attaquer les Etats-Unis et l’Occident. Autrement dit que la région sunnite ne devienne pas ce qu’a été l’Afghanistan sous les Talibans. La stratégie présente qui consiste à neutraliser Al-Qaeda de tout évidence ne fonctionne pas. La raison pour laquelle cela ne fonctionne pas est que ce travail est confié à ce qui s’appelle les forces irakiennes, qui dans les faits sont composées de Chiites qui rivalisent avec des rebels sunnites. Même les Sunnites qui ne sont pas d’accord avec les rebels sunnites vont les préférer aux troupes Chiites. C’est pourquoi l’alternative d’une région sunnites avec des troupes sunnites me semble offrir un meilleur espoir de mettre fin à la rébellion. Notez mon choix de mot : espoir. Je ne sais pas si cette stratégie va fonctionner. Je sais juste que la présente démarche ne fonctionne pas.
D’un façon ou d’une autre, les États-Unis vont se retirer de l’Irak. La question est de savoir si cela a lieu maintenant par un changement de stratégie ou que cela se produit en 2009, lorsqu’il y aura un nouveau président ou une nouvelle présidente qui ne voudra pas que son administration soit dominé par le cas de l’Irak.

AMT:
Cela m’amène à ma prochaine question : Votre père, le célèbre économiste John Kenneth Galbraith a écrit un livre en 1967 intitulé, How to get out of Vietnam [Comment sortir du Vietnam]. Je me demandais si vous pensiez à lui et à ce livre lorsque vous avez écrit le vôtre.

PWG:
Beaucoup plus que cela. On m’a demandé une conférence en 2004. Il s’agissait de la première Conférence John Kenneth Galbraith. À titre d’hommage à mon père, et comme son œuvre est avant tout économique et la mienne en politique étrangères, j’ai relu le livre et j’ai intitulé ma conférence Comment sortir d’Irak. Dans ce livre il émet des stratégies pour sortir du Vietnam et, véritablement inspiré de lui, j’ai tenté de jouer le même rôle en ce qui a trait à l’Irak.

AMT:
Cela demeure un défi de vendre ceci à l’administration Bush à différents niveaux et même pour le public américain, l’idée de quitter l’Irak, quelles sont les chances que cela puisse se produire.

PWG:
Franchement, si le public américain pouvait voter sur ce sujet, il voterai de quitter l’Irak. Mais il faut que l’argument ait à voir avec la sécurité nationale des Etats-Unis. Nous avons d’autres intérêts dans le monde, autre que l’Irak. Bush avait raison en 2002 lorsqu’il a défini la menace envers les Etats-Unis originant des États délinquants, des États liés avec le terrorisme, qui serait à la recherche ou posséderaient des armes de destruction massive. Il était un peu imprécis, car il ne s’agit pas d’armes de destruction massive en temps que telles qui sont la menace, mais les armes nucléaires. Elles sont dans une catégorie à part. Le problème c’est qu’il s’est mis à focaliser sur un pays au sujet duquel nous savions avant la guerre et sans l’ombre d’un doute qu’il n’avait pas d’armes nucléaires et aucun programmes d’armes nucléaires.
Pendant que nous focalisions sur l’Irak, la Corée du Nord est devenu le seul pays au monde à se retirer du Traité de non-prolifération nucléaire et prendre du plutonium qui avait été contrôlés et d’en faire 8 ou 9 armes nucléaires et l’administration Bush n’a rien fait. Beaucoup de haussements de ton mais aucune action. L’Iran qui avait suspendu l’enrichissement nucléaire l’a repris et de toute évidence va développer des armes nucléaires. Encore là, beaucoup de haussements de voix, pas d’actions. L’Iran en plus sait que les Américains n’ont pas beaucoup de choix. Si les Américains choisissent de déclencher une offensive militaire sur l’Iran, les Iraniens ont ouvertement laissés savoir qu’il se vengerait sur les troupes américaines en Irak et ils utiliseront leurs alliés chiites au sud et sont dominants à Bagdad.

AMT:
Donc, que pensez-vous que nous devrions surveiller au cours des prochains mois?

PWG:
Bien… Premièrement, les choses vont-elles continuer à se dérouler comme elles le font, c’est-à-dire, aller de pis en pis. Franchement, je crois que oui. Le plus grand danger qui nous guette, ce serait les Chiites qui voudront le départ des troupes américaines [US out]. Maintenant qu’ils ont la mainmise sur le gouvernement de Bagdad, ils ont leur propre armée et jusqu’à un certain point, la présence américaines est un empêchement à leur domination de la partie sunnite, arabe du pays. Le danger est qu’ils se retourneraient contre les Etats-Unis. Nous aurions alors, une bien pire situation que nous avons maintenant.

AMT:Peter Galbraith, merci pour votre perspective en ce jour.PWG :Bien… Ce fut très bien de vous parler.

Peter Galbraith fut longtemps conseiller senior du Comité des affaires étrangères du Sénat américain. Il fut par la suite premier ambassadeur américain en Croatie. Il est maintenant Fellow Senior au Centre du contrôle et de la non-prolifération des armes [Vermont] et est l’auteur de
"The end of Iraq: How American incompetence created a war without end". [La fin de l’Irak - Comment l’incompétence américaine a créé une guerre sans fin] (Simon & Schuster) et il nous a parlé de Boston.

• The Current, mardi 3 octobre 2006, Part 2
Audio (mp3, 8,6 megs, 23 min.)

La transcription en pdf

• NPR (National Public Radio)
Weekend Edition Saturday, August 5, 2006 · Peter Galbraith
Exiting Iraq: Ambassador Galbraith's View

• VOA - Voice of America
Press Conference USA
Ambassador Peter Galbraith Talks About His Book "The End of Iraq"