mercredi 4 octobre 2006

La guerre dans un pays qui n'existe plus?


Alors que je prenais mon petit déjeuner hier matin, je me suis mis à écouter une émission sur CBC Radio One qui s'appelle The Current. Anna Maria Tremonti, hôtesse de l'émission, fut longtemps correspondante pour CBC télé et radio, tantôt au Moyen Orient, tantôt à Londres notamment. Elle a une grande connaissance des dossiers de la politique internationale. L'émission d'affaires publiques en est une d'un regard sur la marche du monde ou du coin de la rue au travers d'entrevues qu'elle conduit au quotidien.
Hier matin, elle recevait Peter W. Galbraith, moins connu chez les francophones que son père John Kenneth Galbraith. Pourtant, il a un parcours fort honorable. Cette partie de l'émission portait sur la présence militaire américaine en Irak, alors que selon Galbraith, le pays lui-même n'existe plus... J'ai décidé de faire la transcription complète de l'entrevue car elle m'apparaît capitale. De plus j'offre des liens par la suite en anglais pour ceux et celles qui veulent en savoir davantage. Je ne sais pas si ce livre sera traduit à temps pour que cela soit significatif et, à mon sens, il aurait dû déjà être traduit et disponible en français. Pardonnez à l'avance les fautes... Je corrigerai une autre fois...
The Current
Mardi 3 octobre 2006
Étant donné que la situation en Irak continue de se détériorer dans ce que d'aucuns appelle une guerre civile, une des options qui jusqu'à récemment étaient impensables, c'est celle qui voudrait que les Américains retirent leurs troupes et laisse le pays s'organiser lui-même et cette idée-là fait beaucoup d'adeptes. Peter Galbraith est parmi ceux-là. Pendant près de 15 ans, il a agi à titre de conseiller senior du comité des affaires étrangères du Sénat américain. Il a joué un rôle-clé dans la divulgation des crimes de Saddam Hussein envers les Kurdes, crimes pour lesquels l'ancien président est maintenant jugé.
Par la suite, Peter Galbraith est devenu les premier ambassadeur américain dans la Croatie nouvellement indépendante. Récemment encore, il était professeur au Collège national américain de la guerre [US National War College], poste duquel il a démissionné pour protester contre la façon dont la guerre en Irak est mené.
Maintenant, dans un nouveau livre, Peter Galbraith dit qu'il est temps de sortir les troupes de l'Irak. Si nécessaire, laissons le pays se diviser si c'est le choix. Le livre s'intitule The end of Iraq: How American incompetence created a war without end. [La fin de l’Irak - Comment l’incompétence américaine a créé une guerre sans fin] Peter Galbraith se trouve à Boston. Bonjour.

Peter Galbraith:
Bonjour.

Anna Maria Tremonti:
Il y a une très vieille histoire dans votre livre au sujet d'un serviteur qui a une rencontre avec la mort. Racontez-nous l'histoire.

PWG.:
Oui. Elle est relatée par Somerset Maugham et je l'ai incluse au début de mon livre. Un maître envoie son serviteur au marché à Bagdad. Pendant qu'il est au marché, il est bousculé par une femme. Et quand il se retourne, il voit la femme et se rend compte que c'est la mort. Il retourne au pas de course à son maître et lui raconte l'épisode. Il lui dit: "Maître, je dois partir d'ici. Je vais aller à Samarra et fuir mon destin ”. Le maître est un bon homme et va au marché. Il trouve la mort et la confronte. "En quel honneur faites-vous peur à mon serviteur ce matin?" La Mort se retourne et lui dit: "Bien monsieur, mon regard ne servait pas à l'effrayer mais à montrer ma surprise de le voir ici à Bagdad, car j'ai rendez-vous avec lui ce soir à Samarra." Et j'ai inclu cette histoire au début du livre, car le moment charnière cette année fut la destruction du lieu saint d'Askaria qui a déclenché une autre étape, voire l'intensification de la guerre civile en Irak. J'étais à Bagdad en train de terminer le livre quand cela est arrivé. Mais je l'inclus aussi parce que c'est une parabole merveilleuse de conséquences imprévues. Les Américains sont allés en Irak - l'administration Bush - avec l'intention de transformer l'Irak en une démocratie, ce qui par la suite aurait un effet domino sur l'Iran adjacent, la Syrie. Ils ont réussi à changer l'Irak, mais le grand vainqueur s'avère être l'Iran qui domine maintenant le sud de l'Irak, ce qui est aujourd'hui quelque chose qui inquiète beaucoup le Koweït, l'Arabie Saoudite, Bahreïn, toutes les régions où l'on retrouve de grandes populations Chiites, assises sur de grandes quantité de pétrole.

AMT:
Bien, laissez-moi vous demander... l'événement du début de votre livre, l'événement du 2 février dernier à Samarra, l'explosion du lieu saint Askaria, s'agit-il là, à votre point de vue, du moment où l'Irak serait mort ou se terminerait? P.G.: Je pense qu'il est difficile d'établir un moment précis, mais je pense qu'il s'agit là d'un moment aussi valable que n'importe lequel. Je suppose que l’autre événement qu’on pourrait choisir est ce qui est arrivé le 9 avril 2003, le jour où les Américains sont entrés à Bagdad, se sont débarassés de Saddam Hussein et les Américains se sont non seulement débarassés de Saddam, ils en ont détruits l’armée. Un mois plus tard ils l’ont formellement démembrée. Ils se sont débarrassés des services de sécurité du Bat’h. Ainsi, d’une certaine façon la dissolution du pays en était la conséquence logique, mais je pense qu’on pourrait dire de la destruction de lieu saint d’Askaria et l’escalade de la guerre civile qui s’ensuivit, qu’il s’agit là de la lance qui frappe au cœur du corps de l’Irak. AMT : Mais que veut dire au juste la “ fin de l’Irak ”. Si l’Irak est fini, qu’advient-il par la suite. Comment l’appelle-t-on. A quoi allons-nous assister?

PWG:
Il s’agit là certainement la raison du livre, à savoir que l’Irak c’est terminé et, incidemment, je ne pense pas que ce soit là entièrement une mauvaise chose! Après tout, c’est un pays qui a été conçu par les Britanniques pour des raisons coloniales à la fin de la première guerre, les Kurdes n’ont jamais voulu faire partie de ce pays-là et se sont toujours rebellés. Il a été maintenu comme tel par l’utilisation d’une grande brutalité. Nous vivons dans un monde où le droit à l’auto-détermination et l’une des valeurs internationales et, à titre d’exemple, on l’a acclamé en 1991 quand l’Union soviétique s’est brisée. Mais nous aurions préféré que ce qui s’y est passé [en Irak] aurait plus ressemblé à ce qu’il advenu de l’Union soviétique ou la Tchécoslovaquie plutôt qu’à la Yougoslavie, à savoir un conflit sanglant et semble-t-il déraillée. Mais certainement l’Irak va se diviser en deux États. Il y a un déjà un Kurdistan indépendant en tout sauf en titre. Que la partie arabe de l’Irak forme un État gouverné par les Chiites qui oppresseraient les Arabes Sunnites, en autant que les Chiites peuvent remporter cette guerre civile, il s’agit là d’une option. Une autre option serait cette fédération relâchée entre Sunnites et Chiites, chacun gouvernant sa région. Je crois que dans la troisième possibilité, on aurait deux États séparés, les Chiites dans le Sud et les Sunnites dans le Nord…

AMT:
… et je voudrais explorer un peu plus avec vous ce que cela pourrait signifier et où les problèmes pourraient survenir. Mais avant que nous allions dans cette direction, j’aimerais savoir où vous vous situez dans le débat présent qui parle d’une guerre civile ou non. Considérez-vous que ce que vous voyez en Irak en ce moment peut être qualifié du vocable de guerre civile?

PWG:
Il n’y a pas l’ombre d’un doute à ce sujet. Quand vous avez une centaine de personnes par jour qui se font tuer dans des violences sectaires entre Sunnites et Chiites, vous ne pouvez pas en parler autrement.

AMT:
Alors, dans la situation présente, quelle est le degré de faute que vous attribuez à l’administration Bush?

PWT:
Bien… Il s’agit de la pire des aventures de la politique étrangères des Etats-Unis de toute mon existence! Il se peut que ce soit la pire de toute l’histoire américaine, en tout cas depuis que Benedict Arnold a attaqué le Canada en 1775. Et l’incompétence commence avec l’envoi de quelques troupes, jusqu’à l’entrée dans Bagdad, sans aucun plan dans le but de maintenir la sécurité, avec le président qui ne s’est jamais décidé si on devait garder ou démanteler l’armée [irakienne], sans plan pour une occupation de longue durée où le transfert du mandat à l’armée locale, avec le résultat que nous avons essayé de faire le deux en même temps. La responsabilité pour ce qui est arrivé est énorme. Cela étant dit, les racines de la guerre en Irak ne sont pas le fait de l’administration Bush, elles reposent dans les divisions inhérentes à l’Irak entre les Sunnites qui règnent pas la force, les Chiites par la majorité, les Kurdes qui ne veulent pas faire partie de l’Irak. La chose la plus étonnante de la part de l’administration Bush est qu’elle n’avait aucune idée que cela était la situation et cela aussi est impardonnable.

AMT:
Là encore, vous faites le parallèle avec l’ancienne Yougoslavie, avec l’Irak comme la Yougoslavie, maintenu dans un ensemble par des hommes forts. Et quand Saddam Hussein à été retiré de la joute, ces divisions sont apparues plus prononcées à notre regard.

PWG:
Cela est essentiellement vrai. La Yougoslavie fut un temps un succès et supportée par ses citoyens…

AMT:
… en fait, je ne devais pas trop en faire un parallèle…

PWG:
… non, non, non! La parallèle est en fait extrêmement important et, en fait, comme vous savez, j’ai été le premier ambassadeur américain en Croatie. Je suis frappé par l’une des leçons que j’y ai appris : lorsque vous avez des gens dans un situation géographique qui unanimement ne veulent pas faire partie d’un pays, vous ne pouvez pas les y obliger autrement que par le force. Si vous voulez une démocratie ou même un régime modérément autoritariste, vous ne pouvez pas les garder dans ce pays. L’autre leçon que j’ai apprise, c’est que lorsqu’un pays se brise comme la Yougoslavie, il vous faut concentrer vos efforts à diminuer les pires effets de la guerre qui peut s’ensuivre. C’est une folie de mettre les œufs dans le même panier et essayer de maintenir l’intégrité du pays. C’est ce que nous avons faits nous [les Américains] et les Européens à la fin de 1991 en ce qui concerne la Yougoslavie et nous avons raté la chance de prévenir la terrible guerre qui a sévi par la suite.

AMT:
Donc, parlons des trois groupes en commençant par les Kurdes, le groupe avec le plus grand nombre de raisons d’accès au statut de nation. Vous avez dit qu’ils étaient déjà indépendants sur tous les plans, sauf le nom à ce moment-ci. Mais qu’en est-il des difficultés, des frontières, de la Turquie avec sa forte population kurdes, un pays de l’OTAN qui a ses propres difficultés avec le mouvement indépendantiste kurdes.

PWG:
C’est une question extrêmement importante et vous l’avez formulée exactement. Pendant des décennies la Turquie s’est préoccupée du nationalisme kurde, le fait que la Turquie insistait qu’elle n’avait pas de Kurdes sur son territoire, seulement des gens qu’elle appelait des Turcs des montagnes. Cela étant dit, il y a une vaste acceptation en Turquie qu’il n’y a pas un grand nombre d’options pour prévenir l’émergence d’un Kurdistan indépendant. Il y a bien sûr un groupe de la ligne dure qui voudrait voir instaurer un blocus économique, mais il y a un mouvement croissant qui considère qui peut-être qu’un Kurdistan indépendant n’est pas si mauvais. Après tout qui sont les Kurdes. Ce sont des gens séculaire, avec une orientation occidentale qui aspirent à la démocratie et ils ne sont pas Arabes. Bref, ils ont beaucoup de similitudes avec nous! De plus, un Kurdistan indépendant pourrait utilement servir de zone tampon avec un Irak dominé par les Chiites iraniens.

AMT:
Parlons maintenant des Chiites en Irak. Vous parlez de quelque chose qui s’appelle Shiastan. De quoi s’agit-il?

PWG:
Il s’agit de neuf gouverneurs de l’Irak. L’Irak a 18 gouverneurs. Donc il s’agit de la partie sud du pays. Abdel Aziz Hakim qui est le chef du plus grand parti chiite, le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak a proposé la création d’une entité chiite avec exactement les même pouvoir que le Kurdistan, donc le droit d’avoir sa propre armée, un droit que possède le Kurdistan selon la constitution irakienne, contrôle substantielle de ses ressources pétrolières (80% des réserves de pétrole de l’Irak sont au sud). Il parle même d’avoir une frontière solide avec des gardes à la frontière avec l’Irak sunnite afin de se garder contre les terroristes. La proposition de la création de cette entité shiite - Shiastan si vous voulez - est maintenant devant le Parlement irakien. Si la proposition est acceptée et je présume qu’elle le sera, il y aura un délai de 18 mois avant qu’elle soit appliquée. Mais dans les fait le Shiastan existe déjà. Le sud n’est pas contrôlé par Bagdad. Il est contrôle par un gouvernement local théocratique qui fonctionne selon le modèle iranien, avec sous-jacent la loi islamique souvent plus strict qu’en Iran avec une milice de mouture locale. AMT : Il y a une autre variable ici. Il s’agit de la minorité sunnite qui a passé le plus clair du vingtième siècle au pouvoir. Comment réagissent-ils à l’idée (bon on sait qu’il y a une guerre civile), comment réagissent-t-ils avec cette idée qu’il pourrait y avoir plus de contrôle avec ce genres de partition/division?

PWG:
Le problème central des Sunnites, c’est qu’ils n’ont pas de chef qui parle en leur nom. Il y a aussi le problème du soulèvement qui en soit est multiple, incluant des éléments étrangers, tel Al-Qaeda, des éléments salafis locaux, ces islamistes fondamentalistes qui voient les Chiites tels des héritiques. Et puis il y a les anciens Bathistes. En ce moment, ils sont tous ligués contre le pouvoir chiites et les Américains. Cependant, il y a des divisions internes considérables qui rendent difficiles un quelconque porte-parole pour les Sunnites. Pour ce qui est de discerner une vision sunnite à partir de ses chefs élus : ils sont contre le fédéralisme, ils sont contre le démantèlement de l’Irak. Mon sentiment est plutôt que leur position tient de celle du trouble-fête. S’opposer au fédéralisme tient moins sur les mérites du concept que de s’opposer au Chiites et, dans une moindre mesure, aux Kurdes.

AMT:
Je me demande comment un État sunnite pourrait survivre s’il est coupé des revenus du pétrole et de sa propriété et qu’il serait entouré par deux États qui considèrent toujours les Sunnites, tel des apologistes de Saddam Hussein?

PWG:
Il s’agit là d’une des difficultés. Mais cela a à voir avec des choix. Le choix des Sunnites n’est pas quelque monde idéal d’un Irak multiethnique. Ce n’est pas de retourner à un Irak qu’ils gouvernaient. C’est le choix d’avoir leur propre région, gérer leur propres affaires ou alors faire partie d’une région arabe unique et être dominé par les Chiites. Il me semble que le meilleur choix pour eux consiste à former leur propre territoire, d’avoir leur propre armée régionale (quelque chose de permis dans la constitution irakienne) et s’occuper de leur propre sécurité.

AMT:
Et pourtant, vous soulevez le problème avec la division en trois régions et vous persistez à croire que c’est la meilleure porte de sortie, la meilleure façon laisser les choses se faire.

PWG:
Absolument! Il n’y a pas de bonne solution. La seule façon d’envisager le tout est d’envisager les alternatives. Le fait est que le pays est déjà démantelé. Et alors, si vous le voyez de la sorte, le choix est alors : essayons-nous de recoller les morceaux [put Iraq back together] ou acceptons-nous la réalité d’un pays qui n’existe plus [a country that has broken up]? Et, incidemment, je ne suis pas en faveur de cette disparition de l’Irak. Je ne revendique pas la partition de l’Irak. Je dis que cela est déjà arrivé et que nous devrions travailler avec la réalité.
Considérons que nous voulions prendre un autre chemin et recoller les morceaux. Eh bien, recoller les morceaux d’Humpty Dumpty. Que faudrait-il alors? Il faudrait que les troupes américaines aillent dans le sud, démantèlent les théocraties qui règnent là-bas et désarmais les milices chiites. Cela veut dire prendre d’assaut un tout nouvel ennemi en Irak qui est beaucoup plus puissant que les rebelles sunnites et qui ont un commanditaire, l’Iran, à proximité. Le président Bush n’a pas l’intention d’étendre la mission pour ce faire.
La seconde chose qu’il vous faudrait faire pour remettre l’Irak sur rail, serait de mettre fin à la guerre civile. Et comme vous ne pouvez pas utiliser les forces irakiennes pour ce faire (il y a des partisans chiites et sunnites) dans la guerre civile, il vous faudra utiliser les troupes américaines comme policiers dans des places comme Bagdad. Cela voudrait dire beaucoup plus de troupes, exposant les troupes à des plus grands risques et le président Bush n’a aucun intention de le faire.
Ainsi, l’administration Bush ne veut pas mettre fin à la guerre civile, ne veut pas mettre fin aux régimes théocratiques, n’a aucune chance de convaincre les Kurdes de mettre fin à leur projet d’indépendance. Donc nous avons déjà la réalité d’un pays démantelé. S’il s’agit de cela, c’est ce que les éléments locaux voulaient : le pays est brisé. Il me semble que la logique est de supporter ces régions dans le sud pour tenter de formaliser les choses, de sorte que ce ne sont pas des bandes de régimes thécratiques avec leur propres milices, mais que ces milices deviennent une armée du sud.
Cela laisse seul les Sunnites et la meilleur façons de convaincre les Sunnites, c’est qu’ils aient leur propre territoire/région

AMT:
… En bout de ligne, ce que vous proposez, permettre à ces choses de se passer comme elles se passent, c’est aussi une façon de permettre aux troupes américaines de se retirer de l’Irak.

PWG:
Oui et incidemment, l’administration Bush a adopté jusqu’à un certain point ce que je dis, car bien qu’ils disent qu’ils sont engagés pour un Irak uni, ils laissent aussi ces événements se dérouler comme ils le font. Mais si vous acceptez que le pays n’est plus, alors vous pouvez analyser quel type d’objectif l’on sert en y gardant les troupes de la Coalition. Si nous n’allons pas bâtir une démocratie dans le pays, si on n’est pas là pour démanteler des théocraties au sud, si on ne va pas désarmer les milices, alors il n’y a aucune raison d’avoir des troupes dans la partie sud du pays. Je crois que ces troupes doivent être retirer demain, d’autant plus que le sud est “ stable ”, même s’il est gouverné par des groupes religieux pro-iraniens.
En ce qui concerne Bagdad, oui il y a une terrible guerre civile avec des tueries sectaires, si l’on s’en va il y aura cette terrible guerre avec ces tueries sectaires et si nous restons ce sera aussi le cas. Si on ne va pas arrêter la guerre civile à Bagdad, je ne vois aucune raison d’y être. En ce qui concerne la région sunnite, nous avons un intérêt : celui qu’Al-Qaeda n’ai pas de base dans cette région d’où il pourrait attaquer les Etats-Unis et l’Occident. Autrement dit que la région sunnite ne devienne pas ce qu’a été l’Afghanistan sous les Talibans. La stratégie présente qui consiste à neutraliser Al-Qaeda de tout évidence ne fonctionne pas. La raison pour laquelle cela ne fonctionne pas est que ce travail est confié à ce qui s’appelle les forces irakiennes, qui dans les faits sont composées de Chiites qui rivalisent avec des rebels sunnites. Même les Sunnites qui ne sont pas d’accord avec les rebels sunnites vont les préférer aux troupes Chiites. C’est pourquoi l’alternative d’une région sunnites avec des troupes sunnites me semble offrir un meilleur espoir de mettre fin à la rébellion. Notez mon choix de mot : espoir. Je ne sais pas si cette stratégie va fonctionner. Je sais juste que la présente démarche ne fonctionne pas.
D’un façon ou d’une autre, les États-Unis vont se retirer de l’Irak. La question est de savoir si cela a lieu maintenant par un changement de stratégie ou que cela se produit en 2009, lorsqu’il y aura un nouveau président ou une nouvelle présidente qui ne voudra pas que son administration soit dominé par le cas de l’Irak.

AMT:
Cela m’amène à ma prochaine question : Votre père, le célèbre économiste John Kenneth Galbraith a écrit un livre en 1967 intitulé, How to get out of Vietnam [Comment sortir du Vietnam]. Je me demandais si vous pensiez à lui et à ce livre lorsque vous avez écrit le vôtre.

PWG:
Beaucoup plus que cela. On m’a demandé une conférence en 2004. Il s’agissait de la première Conférence John Kenneth Galbraith. À titre d’hommage à mon père, et comme son œuvre est avant tout économique et la mienne en politique étrangères, j’ai relu le livre et j’ai intitulé ma conférence Comment sortir d’Irak. Dans ce livre il émet des stratégies pour sortir du Vietnam et, véritablement inspiré de lui, j’ai tenté de jouer le même rôle en ce qui a trait à l’Irak.

AMT:
Cela demeure un défi de vendre ceci à l’administration Bush à différents niveaux et même pour le public américain, l’idée de quitter l’Irak, quelles sont les chances que cela puisse se produire.

PWG:
Franchement, si le public américain pouvait voter sur ce sujet, il voterai de quitter l’Irak. Mais il faut que l’argument ait à voir avec la sécurité nationale des Etats-Unis. Nous avons d’autres intérêts dans le monde, autre que l’Irak. Bush avait raison en 2002 lorsqu’il a défini la menace envers les Etats-Unis originant des États délinquants, des États liés avec le terrorisme, qui serait à la recherche ou posséderaient des armes de destruction massive. Il était un peu imprécis, car il ne s’agit pas d’armes de destruction massive en temps que telles qui sont la menace, mais les armes nucléaires. Elles sont dans une catégorie à part. Le problème c’est qu’il s’est mis à focaliser sur un pays au sujet duquel nous savions avant la guerre et sans l’ombre d’un doute qu’il n’avait pas d’armes nucléaires et aucun programmes d’armes nucléaires.
Pendant que nous focalisions sur l’Irak, la Corée du Nord est devenu le seul pays au monde à se retirer du Traité de non-prolifération nucléaire et prendre du plutonium qui avait été contrôlés et d’en faire 8 ou 9 armes nucléaires et l’administration Bush n’a rien fait. Beaucoup de haussements de ton mais aucune action. L’Iran qui avait suspendu l’enrichissement nucléaire l’a repris et de toute évidence va développer des armes nucléaires. Encore là, beaucoup de haussements de voix, pas d’actions. L’Iran en plus sait que les Américains n’ont pas beaucoup de choix. Si les Américains choisissent de déclencher une offensive militaire sur l’Iran, les Iraniens ont ouvertement laissés savoir qu’il se vengerait sur les troupes américaines en Irak et ils utiliseront leurs alliés chiites au sud et sont dominants à Bagdad.

AMT:
Donc, que pensez-vous que nous devrions surveiller au cours des prochains mois?

PWG:
Bien… Premièrement, les choses vont-elles continuer à se dérouler comme elles le font, c’est-à-dire, aller de pis en pis. Franchement, je crois que oui. Le plus grand danger qui nous guette, ce serait les Chiites qui voudront le départ des troupes américaines [US out]. Maintenant qu’ils ont la mainmise sur le gouvernement de Bagdad, ils ont leur propre armée et jusqu’à un certain point, la présence américaines est un empêchement à leur domination de la partie sunnite, arabe du pays. Le danger est qu’ils se retourneraient contre les Etats-Unis. Nous aurions alors, une bien pire situation que nous avons maintenant.

AMT:Peter Galbraith, merci pour votre perspective en ce jour.PWG :Bien… Ce fut très bien de vous parler.

Peter Galbraith fut longtemps conseiller senior du Comité des affaires étrangères du Sénat américain. Il fut par la suite premier ambassadeur américain en Croatie. Il est maintenant Fellow Senior au Centre du contrôle et de la non-prolifération des armes [Vermont] et est l’auteur de
"The end of Iraq: How American incompetence created a war without end". [La fin de l’Irak - Comment l’incompétence américaine a créé une guerre sans fin] (Simon & Schuster) et il nous a parlé de Boston.

• The Current, mardi 3 octobre 2006, Part 2
Audio (mp3, 8,6 megs, 23 min.)

La transcription en pdf

• NPR (National Public Radio)
Weekend Edition Saturday, August 5, 2006 · Peter Galbraith
Exiting Iraq: Ambassador Galbraith's View

• VOA - Voice of America
Press Conference USA
Ambassador Peter Galbraith Talks About His Book "The End of Iraq"

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