mercredi 27 décembre 2006

Philanthropie vs État

La question de la philanthropie
versus
la redistribution des richesses par l'État



Illustration: Jeffrey Docherty
Il s'agit ici de la question centrale au cœur même du contexte économique présent. Dans un long article paru l'édition du New York Times Magazine du 17 décembre dernier, l'éthicien, professeur à Princetown et auteur de plusieurs livres sur l'éthique, Peter Singer, se penche sur le cas de la philanthropie qui a cours en ce moment en la comparant un tant soit peu à ce que fait l'État; dans ce cas-ci le gouvernement américain.
Est-on, dans les faits, en train de remplacer les dictateurs d'État par des dictateurs d'argent qui décident de cela qui est juste et bon, en lieu et place des États dont les gouvernements démocratiquement élus, mais auxquels on enlèverait les moyens de redistribution des richesses par des fiscalités molles notamment?
La notion même de démocratie, telle que nous la vivons en ce moment, est-elle un gage de redistribution des richesses? Et démocratie rime-t-elle avec égalité/partage? Aux États-Unis comme au Canada et ailleurs, comme en Australie (des pays anglo-saxons), des gouvernements démocratiquement élus de droite sapent dans le principe de redistribution des richesses de diverses manières: allégement fiscaux aux plus fortunés, coupures des subventions et autres types d'aides à des organismes, des directions, des ministères, dont le mandat ne rejoint pas celui des chefs de gouvernement (aide à l'avortement, arts et culture) qui, bien qu'élus démocratiquement, ne forment parfois que des gouvernements minoritaires, etc. Ainsi la démocratie n'a jamais été un gage de neutralité bien évidemment et il ne faut l'oublier quand on accuse un parti politique au pouvoir de contrôler ce qui est bon et bien. Il faudra alors poser de nouveau la question du mode de scrutin, de l'éducation, etc.
Si des chefs de gouvernement au nom de leur parti se permettent légitimement de décider de la pluie et du beau temps jusqu'à un certain point, de même en est-il à plus forte raison de philanthropes milliardaires qui injectent quant à eux de l'argent dans des causes qui font leur affaire, tant pour leur image, leurs principes, leurs croyances, les retombées, etc.
Ainsi, à un moment de sa vie par exemple, Bill Gates a découvert que des enfants mouraient à la pelleté, à cause notamment de ce qu'on appelle les rétrovirus. Jusque-là cela n'était pas dans ses préoccupations. Ayant atteint un statut social et financier difficilement accessible, il a pu dès lors consacrer plus de temps à réfléchir à ces choses qui lui avaient échappé jusqu'alors. Ainsi, à elle seule, la Fondation Bill & Melinda Gates a injecté plus de 35 milliards $ US dans diverses causes. De plus, Warren Buffett a fait don de 31 milliards $ à la Fondation Bill & Melinda Gates en juin dernier.
On devrait applaudir une telle générosité ou le devrait-on au fait? Je reviens à ma question de tout à l'heure, posée autrement: comment se fait-il que des individus aient tant d'argent dont ils sont les seuls à décider de l'usage, alors que la moitié des gens qui vivent sur cette planète crèvent de faim?
Dans son long article, Peter Singer fait aussi ces réflexions. Sans critiquer la forme ou le fond, il trace les grandes lignes du sens de cela et il met en place les éléments qui permettent de voir dans quelle mesure le scénario peut aboutir à des résultats positifs.
Bien sûr Bill Gates ne financera pas Al Qaeda, puisque de toute façon c'est le gouverment américain qui a financé l'avènement du groupe terroriste! Il n'est peut-être pas si mauvais dans le fond que face à des bozos au pouvoir d'État, existent en contrepartie des richissisimes qui eux pourraient financer ce que l'État sous gouvernance religieuse, idéologique ou autre ne fait pas. Dans ce sens, Bill & Melinda Gates et Warren Buffett sont moins minables que George Bush, père et fils. Je dirais même des premiers qu'ils sont de beaucoup plus sensibles, parce qu'ils agissent sans croyances religieuses dangeureuses qui sous-tendent toute la démarche des derniers. On ne peut pas en plus faire le reproche aux autres d'être dominé par des concepts religieux faux, dans la mesure où toute notre démarche mentale s'appuie sur les mêmes principes. Autrement on additionne les écueils inhérents à la détention de la vérité pour soi, jusqu'à ruiner des pays et des économies pour prouver qu'on avait... tort.
Mais revenons à nos moutons. Au-delà de l'intrigant puzzle que constitue la vie politique et publique américaine, il reste que ce pays regorge de gens sensés... Il faut juste mettre en place les mécanismes qui permettraient une plus grande générosité et bien que la taxe Tobin pourrait constituer une voie de financement, l'heure n'est pas à plus de mainmise fiscale des États. Avec des collaborateurs, Peter Singer s'est ingénué à calculer combien pourraient donner les 10% les plus riches familles américaines à un panier mondial, sans que leur modes de vie n'en soient même modifiés. Il est arrivé aux résultat astronomique de 404 milliards de dollars, soit 3 fois plus que les besoins financiers du soi-disant Défi du millénaire de l'ONU! Ses calculs sont hilarants, car les revenus qu'il revoit à la baisse atteignent des proportions difficiles à imaginer pour les gens qui prennent l'autobus 55 Saint-Laurent ou quelqu'autre numéro dans quelqu'autres villes.
À titre d'exemple, “La tâche est rendue plus facile pas des statistiques fournis par Emmanuel Saez et Thomas Piketty, economistes l'École Normale Supérieure, Paris-Jourdan, et à l'université de Californie à Berkeley, respectivement et basés sur les données fiscales américaines pour l'année 2004. Dans le haut il y a le 0,01% des revenus les plus élevés. Ils sont 14,400 ayant gagné en moyenne 12,775,000 $, avec des revenus totaux de 184 $ milliards... Le revenu le plus bas de ce créneau est de plus de 5 $ millions annuel. Il appert donc raisonnable que sans tomber dans la misère, ceux-là puissent donner le tiers de leur revenus, soit 4,3 $ millions chacun, soit un total de 61 $ milliards. Cela laisserait chacun d'entre eux avec au minimum de 3,3 $ millions pour passer au travers de l'année.” Par la suite, on parle du 1% suivant, etc. jusqu'au 10% les plus riches; toujours avec l'idée de ne pas diminuer le train de vie de chacun, donc en diminuant le pourcentage à donner.
Singer trouve que les autres pays de l'OCDE devrait avoir ce genre d'exercice et de contribution selon les moyens de leurs plus fortunés. Il insiste cependant pour dire que le PNB américain est 36% de tous les PNB combinés des pays de l'OCDE et que les riches américains devraient contribuer jusqu'à 50% du financement. En tout, il parle de revenus disponibles ainsi de l'ordre de 808 milliards... annuellement, sans que cela n'engendre de sacrifice de la part des donateurs et viennent en grande partie résoudre le problème des disparités mondiales.

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