dimanche 28 mai 2006

¡Y Utopia o muerte!


Dessin: John Forsyth - La Patrie
Paraphrasant un slogan à la mode cubaine des années 60, j'ai envie d'expérimenter du côté des communauté d'affinités. Vivre en autarcie n'est pas mon premier objectif dans la vie, mais vivre à moitié dans la grande communauté - la ville - n'est guère mieux. À peu près tout ce que je pourrais y faire me pose de plus en plus de problèmes éthiques qui ne se posaient pas avant parce que je m'adaptais sans trop maugréer. Avec les années, cela devient de moins en moins possible.
Je crois que ce que je fais en tant qu'individu a un impact direct et indirect sur tout le reste. Comme la communauté des hommes rend de plus en plus difficile, voire quasi-impossible de vivre selon certaines règles basiques de respect de l'environnement, de partage des richesses, de travail adéquatement rémunéré, de déplacement quotidien entre deux points qui peuvent se faire à échelle humaine, de logements abordables, et j'en passe toute une liste, je n'ai plus trop envie de contribuer à ce déséquilibre-là.
Je me méfie des utopies tout de même. J'en connais les dynamiques et la plupart sombre dans toute sorte de décadences: pouvoir, tricherie, fourberie, etc. Je ne suis pas à l'article de la mort en ce moment et il n'est pas impératif d'encore déménager. Je voudrais faire cent fois plus que ce que je fais maintenant mais pas à n'importe quelles conditions. Cela doit tout d'abord profiter à la communauté, pas à une entreprise privée. Terminé, j'ai assez donné.

Dans son ouvrage Entre l'Éden et l'Utopie dont je parlais l'autre jour, Luc Bureau écrit: Anéantissement de la propriété privée, mise en commun des fruits du travail, dissolution de la famille afin que les enfants n'aient plus d'hérédité mais ne soient plus qu'éducation et dressage, tout ceci nous mène vers un monde uniformisé et parfaitement prévisible. Ce n'est donc pas une simple question de justice si la plupart des utopies propose l'extinction de toute forme d'appropriation individuelle. On peut plutôt penser qu'il s'agit de l'expression d'une aspiration tout théorique à l'unité, à la régularité et au contrôle social. Mentalement et physiquement, les hommes qui habitent les utopies finissent par se ressembler comme des ampoules électriques.. Des personnages standardisés, coiffés ou non de chapeau melons, tels que Magritte nous les présente dramatiquement dans Golconde ou dans Le mois des vendanges.
On peut se demander s'il parle ici de nos sociétés occidentales réglées au quart de tour ou de l'utopie... Après tout n'est-ce pas l'État qui fait l'éducation uniformisée, prend les enfants dès deux ans et les drillent dans les garderies qui fonctionnent sur un modèle standardisé, le primaire où l'on apprend déjà aux enfants à résoudre des problèmes complexes auxquelles l'entreprise privée les confrontera, avant même d'avoir appris à compter et à écrire, etc. Le tout à les goûts (sic) de l'État qui se fourvoit. C'est l'État qui devient l'aberration.
Idéalement il faudrait des centaines de communautés différentes de petite échelle pour favoriser l'échange selon des valeurs de partage plutôt que capitalistes et individualistes comme le sont nos villes et villages. Je le vois même ici à la campagne. Tout est désincarné. Chacun de son côté et au plus fort la poche. Le bien commun devient un mal nécessaire...

Vue du site de l'écovillage du mont Radar aujourd'hui
Tout ça pour dire que j'ai décidé de faire une première démarche auprès d'une communauté, un écovillage en devenir, situé entre Scotstown et Québec. Il s'agit de l'écovillage du mont Radar. Drôle de nom pour une montagne et drôle de nom pour un écovillage. C'est qu'il est situé à l'emplacement d'une ancienne base de radars des débuts de la guerre froide, rattachée à NORAD et qui faisait partie de ce qu'on appelait la Pinetree Line, la ligne des pins ou limite des pins, comme dans tree line, plus au nord, la limite des arbres. Je connaissais à peine son existence. J'avais déjà visité celle du mont Apica dans la réserve faunique des Laurentides, il y a plus de 30 ans. La base de Saint-Sylvestre où se fabrique désormais l'écovillage a été construite en 1952 et a cessé ces activités en 1964. Il y avait là une véritable base des Forces de l'air canadiennes, un petit village autonome pour la surveillance. Une petite communauté autonome avec un but en soi...

Site à l'époque opérationnelle, il y a 50 ans. On peut voir les dômes des radars au sommet de la montagne. - Photo: Clarence Angst. Janvier 1964
Toujours est-il que l'idée me trotte dans la tête et je suis mûr. Par contre, il faudra qu'il y ait d'autres expériences du type pour que le concept fonctionne, éparpillées un peu partout.

Auto-dérision

Parfois affaiblie, parfois affermi, l'écho anti-urbain déclenché par les prophètes va se propager jusqu'à nous à travers les modes de l'histoire. Ne jouissant pas cependant du puissant arsenal des dieux pour anéantir physiquement la ville, les anti-urbains ont dû se résigner à l'utilisation d'un outillage moins dramatique: la fuite. Plutôt que d'essayer de raffermir les fondations de la cité, de cicatriser la couverture, de replâtrer les murs ou de rafistoler les gouttières, on abandonne le logis. On se dit qu'il est foutu!
Les fuyards se comptent par milliers. Marchent en tête, les poètes, les nostalgiques du passé, les philosophes angoissés, les misanthropes désabusés et les moralistes austères. On y aperçoit Horace qui, de ces temps-ci, se soustrait tant qu'il peu au tracas de la ville pour se réfugier à la campagne, dans la villa que Mécène vient de lui faire cadeau. Là, il peut plaider à son aise, la supériorité des conditions de vie du Rat des champs sur celles du Rat de ville (Horace, Satires, L. II VI). On y distingue aussi le poète juvénale qui encourage son ami Umbricius à fuir à jamais la ville de Rome où l'on ne voit que scélératesses et turpitudes quotidiennes: “Que ferais-je à Rome? Je ne sais pas mentir. (Juvénal, Satires, III, 40) . Tirés de Bureau, Luc; De l'Éden à l'Utopie
À consulter/écouter sur le sujet: Macadam Tribu, 1re chaîne de Radio Canada, le 21 août 2004.

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