samedi 7 octobre 2006

Arrêt sous un viaduc pour y réfléchir


Samedi dernier je profitais de la journée pour donner un coup de peinture à la bordure de métal d'une toiture chez des gens chez qui j'avais déjà peint plus tôt dans le mois.
Pendant que je peignais, à quelques 230 km de là s'effondrait une moitié de tablier de viaduc. À un moment donné je me retrouvai dans la maison où la télé perpétuellement ouverte était branché sur RDI. Je me suis dit: "Ça y est, il ne se passera plus rien de la journée". Que cela. Que ce viaduc effondré, catastrophe nationale.
Loin de moi l'idée de laisser croire que je suis insensible au sort de ces gens qui se sont trouvés au mauvais endroits au mauvais moments. Il aurait pu tomber à 3 heures du matin que personne ne s'en serait ému. De là à nous offrir ce spectacle tel l'instauration de la loi martiale, il n'y a qu'un pas. C'est l'impression que donne ce tapage d'information spectacle mur à mur qui ne traite que d'un seul sujet des heures durant.
Et puis lundi et mardi, j'ai écouté deux tribunes téléphoniques auxquelles je n'ai pas participé car j'étais dans une autre maison à faire d'autres travaux et il n'y avait pas de téléphone, peut-être fort heureusement. Car j'ai quitté cette région-là qui avait fini par me dégouter de la vie.
J'assiste impuissant à la déchéance d'une civilisation qui s'effondre sous un viaduc. Fort trop souvent, les matins de la semaine, j'écoute involontairement les rapports de circulation de cette région-là, car à 200 km plus loin, c'est ce que la radio nationale nous offre à écouter parmi la revue de presse ringarde des journaux (qui n'inclut toujours pas les nouveaux médias en cette ère de l'internet), la chronique arts et spectacles, les infos du sport, etc. J'ai souvent le réflexe de fermer la radio lors de ces rapports de circulation donnés sur un ton alarmiste et suranné.
Je ne peux être que complètement incrédule en y comprenant que des gens passent près de deux heures chaque matin et autant chaque soir pare-chocs à pare-chocs pour aller faire ainsi leur temps agglutinés, centralisés, contrôlés comme des troupeaux ou des détenus. Il est sûr qu'il est très difficile de faire autrement lorsque l'on vit une illusion. Ce mode de vie vous happe et vous retient et il faut de la détermination pour s'extirper de sa tenaille soporifique.
Le viaduc qui s'écroule est tragique peut-être mais il m'est surtout apparu hautement symbolique de par le regard que je porte à cette société qui passe à côté de l'essentiel. Et puis il y a que dans la moulinette de la pseudo information, le viaduc s'écroule aussi sur la tuerie du collège Dawson. J'imagine une société fictive où l'on fabriquerait des événements pour tenir les gens en haleine... Ainsi ils n'auraient pas à avoir le temps de réfléchir à quoi que ce soit, mais à s'éxécuter pour que rien ne change, pour que les choses restent telles qu'elles sont pour les siècles et les siècles. Amen.
J'ai un jour imaginé un scénario où quelqu'un qui regarderait distraitement les nouvelles à la télé verrait l'écroulement des tours du World Trade Center traité en toute fin de JT; juste avant la météo... "Et puis, à New York, les deux tours du World Trade Center se sont écroulées ce matin par l'attaque de terroristes qui y font fait percuter deux avions de lignes. À la météo maintenant. Que nous réserve les prochains jours Virginie? Nous aurons du beau temps pour les trois prochains jours..."
Montréal ne cesse de prendre de l'expansion. Ce n'est pas la seule ville qui gonfle ainsi on ne sait trop pourquoi. Cela ne m'impressionne vraiment pas, surtout lorsque j'écoute forcément les rapports de circulation à la radio et que je suis trop loin ou trop paresseux pour la fermer. J'ai eu l'immense privilège (s'il en est) de vivre au cœur de cette ville pendant 19 ans. Je n'y ai pratiquement jamais subi d'heures de pointe. Comment cela se peut-il?
Partout où j'ai vécu, que ce soit à Québec, Vancouver ou Montréal, je me suis toujours arrangé pour vivre à distance humaine des mes activités, c'est-à-dire à pied ou à vélo. Il en est de même ici à la campagne oû je fais à vélo 14 km en tout au plus ¾ d'heure, été comme hiver. Cela demeure raisonnable en ce qui me concerne, puisque je contemple des paysages et ai amplement le temps de respirer.

La voiture c'est la liberté. J'en veux des preuves. L'étalement urbain a pris des proportions inouïes depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. À partir de ce moment-là, l'économie s'est déroulée comme un tapis sur cette seule présence de la voiture privée et individuelle. Avec le résultat qu'aujourd'hui il faut aller de plus en plus loin.
Je n'insisterai pas ici sur le thème car il y a déjà assez d'études et d'ouvrages de toutes sortes qui en traitent clairement. J'ajouterai simplement qu'il va de soi que mathématiquement si l'on agglutine des millions de gens dans un même endroit, tôt ou tard des dérapages majeurs sont à craindre. Il est déjà étonnant que les choses soient au quotidien si "normal".

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