mardi 15 août 2006

Günter Grass ou L'érosion de la notion de modèle


Günter Grass, par Thomas Müller/Focus
Rarement voit-on les hommes montrer leur garde-robe à leurs copains, comme le font les femmes entre elles. Dans le cas qui nous intéresse, la curiosité d'un monsieur en train de fouiner dans le placard de Günter Grass et qui aurait découvert au fin fond de celui-ci un uniforme SS aurait sans doute engendrée auprès de son hôte la question: "Qu'est-ce?". La révélation foudroyante qu'a livrée Günter Grass à propos de son passé nazi en aura catatonisé plus d'un. Ce n'est pas tant qu'à l'âge de 17 ans en 1944, on l'ait enrôlé dans la Waffen SS (régiment qui plus tard sera condamné à Nuremberg à titre d'organisation criminelle) mais le fait que Grass se révèle sur le tard, après avoir exhorté et admonesté pendant des décennies les Allemands à se purger de leur passé nazi. Le mal que provoque Grass se situe plus sur le plan symbolique que sur le plan politique ou littéraire. Considéré comme le plus grand écrivain et poète contemporain en Allemagne, Günter Grass joui(ssai)t jusqu'à présent d'une espèce d'aura, de statut particulier autant chez lui qu'à l'étranger. Cette révélation sur le tard par le lauréat du prix Nobel de la littérature 1999 fragilise une fois de plus la notion de role model dans nos sociétés.
Né en octobre 1927 à Danzig (aujourd'hui Gdansk) dans la partie la plus orientale de l'Allemagne d'alors, aujourd'hui polonaise, Grass, conscrit comme tous les jeunes de son âge, avait choisi le corps des sous-mariniers, mais on l'enrôla dans la Waffen SS. Cette espèce d'unité formée en 1933 ne faisait pas partie de l'armée pour ainsi dire mais du parti nazi et était reconnue pour sa brutalité et sa cruauté. Jusqu'à présent, Grass connu comme un soldat des forces anti-arérienne et fait prisonnier par les Américains porte cette révélation au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung dans une entrevue vendredi dernier. Certains y voit là une espèce de blitz publicitaire avant la sortie de son autobiographie en septembre.
À la fin de 1944, la Waffen SS en voie de déconfiture ne tatouait déjà plus ses recruts de leur type sanguin sur l'avant-bras. Ainsi Grass put s'en retirer avec son secret.
"Il faisait partie de la division blindée 'Frundsberg' dont la dernière mission qui n'eut pas lieu était de libérer Hitler", avance Michæl Jeismann dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Du haut de ses 17 ans, Günter Grass dit surtout avoir voulu se libérer de la pesanteur familial. Ce n'est qu'au procès de Nuremberg qu'il prit conscience de ces choses auxquelles on associait la Waffen SS dans les déclarations que fit alors le leader des Jeunesses hitlériennes, Baldur von Schirach.
Le principale reproche que l'on fait à Günter Grass dans toutes les sphères de la société allemande, c'est d'avoir attendu si longtemps pour faire cette révélation, alors que durant toutes ces années, il se présentait comme le porte-étendard de la morale allemande en exigeant de tous la vérité. Furieux contre Günter Grass, Lech Walesa, citoyen de Gdansk, ex-président de Solidarność et ex-président polonais souhaite que Grass remette volontairement sa citoyenneté d'honneur de Gdansk.
Lire une sélection des commentaires en anglais dans ce digest de la presse allemande.

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