vendredi 5 janvier 2007

In memoriam - Orphée 1992 - 2007


Il était mal depuis quelques temps. Je ne pouvais pas faire grand'chose. Mais c'était tolérable car je le surveillais et il n'agissait pas comme un être en souffrance. Sauf à partir d'avant-hier. Là je savais que c'était plus sévère. Puis hier soir, il n'a pas mangé. Là je savais que c'était la fin pour lui. Alors je lui ai parlé une dernière fois. Je l'ai caressé. Puis je l'ai laissé tranquille. Durant la nuit, il est allé se cacher. C'était fini.
C'est pour moi un grand soulagement car Féfé avait de belles qualités mais de méchants défauts. Je les ai accepté pendant une décennie, puisqu'il avait été adopté pendant 4 ans, avant qu'on me le ramène, sans que je pose de questions. Cette acceptation de ce qu'il faisait ou ne faisait pas a contribué à mettre la bride à mes intempestivités, à mon impatience. Je me suis résigné à passer derrière lui jour après jour. Je l'ai fait car il était gentil dans le fond, sinon... Je suis capable de beaucoup pour les êtres qui ont du cœur.
J'ai aussi remarqué à mon énorme surprise que son frère Morgan s'était mis à manger comme tout le monde, ce qui a provoqué chez moi une réaction de discrétion et de silence à le regarder manger dans le plat des autres. Jamais depuis qu'il existe celui-là avait-il accepté de manger la même chose que les autres, ce qui m'a forcé pendant bientôt 15 ans à lui faire ses repas. S'il m'avait vu ou su que je le regardais et m'étonnais de ce qui se passait, il aurait très bien pu s'arrêter. Double libération pour moi. Une bénédiction.
La nuit dernière, vers 1h, je suis sorti faire pipi, car j'aime bien l'idée de m'habiller et de sortir en pleine nuit dans la neige et le silence. Et là il y avait la lune éclatante qui venait de passer son zénith. Des milliers de scintillements jaillissaient des crystaux de neige en une espèce de féérie jubilatoire. Je ne pus que rester là, en bougeant un peu le haut du corps, pour créer un mouvement des lumières, comme des paillettes d'argent cousues à des robes blanches de danseuses sidérales.
Désormais, la question de la bouffe étant réglée, je vais pouvoir m'absenter quelques jours en laissant aux chats victuailles, eau et chauffage à disposition, le temps de mon absence. Il me faut quitter cette région avec l'arrivée du printemps. Le bilan est mince et amaigrissant. Ce nouveau déménagement nécessite une grande préparation. Je n'aurai pas trop de trois mois. Je ne suis pas sûr de ma prochaine destination, ni des conséquences que son choix implique. Ma marge d'erreur est plutôt mince. Je suis tout de même à peu près sûr de remonter vers le nord, vers Québec.
Tout pour moi vaut d'avoir quitté Montréal. Même la déroute, même la pauvreté, même la misère. Alors c'est un exercice et l'aventure aussi minime soit-elle me comble. Je ne me suis pas blessé, j'ai tout mes morceaux et suis en santé. J'ai revu la campagne, ses avantages et ses inconvénients. Je suis tombé dans le secteur le moins dynamique qui se puisse. De surcroît, vivre dans de si petits villages et avoir si peu le sens de la vie en commun est désarmant.
Ce printemps il y avait la réfection du seul parc local. J'étais là avec mon pique et ma pelle que j'avais trimbalé à vélo sur 9 km. Nous étions une quinzaine de personnes tout au plus à mettre la main à la pâte. Où étaient tous les autres? Et les jeunes? Je n'ai plus trop envie de m'investir dans ce coin rustre et peu dégrossi. Ce n'est pas nécessaire d'en rajouter. Depuis mon arrivée, je suis aussi bénévole à la bibi locale. C'est déjà ça. Évidemment, la bibliothèque coûte trop cher, se plaigne certains, même si le service est en totalité assuré par des bénévoles. À quoi ça sert une bibliothèque? C'est pour les tapettes.
Entre ici et Québec, il y a 200 km de possibilités. C'est la prospection des prochains mois.

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