jeudi 30 mars 2006

Éloge de la lenteur

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Il m'arrive parfois d'être impatient. Mais en fuyant la ville, je rejoignais la lenteur. La lenteur c'est aussi la douceur. Je fuis ce qui m'apparaît dépouvu de l'un comme de l'autre. On ne me voit pas beaucoup au village. Je ne fréquente certes pas les bars locaux, ces endroits, où la douceur est ensevelie sous des tonnes de carapaces et d'armures. Je ne fais pas dans le forage et ce ne sont guère des lieux qui se prêtent à de l'expansion d'âme, sinon sur le bord des larmes. Me manquent les cafés de ma jeunesse à Québec. Ces lieux comme le Temporel où j'ai tant discuté avec des hommes mais surtout avec des femmes avec lesquelles je terminais souvent la conversation dans les draps. Avec des gars aussi. Je me souviens entre autres d'une longue conversation avec un professeur japonais à l'université de Tokyo, attablé à mes côtés.
Je me délecte à écouter des écrivains durant ces longues soirées dans mon antre du village. Depuis plusieurs années, je savoure les entrevues de celui que je considère comme étant le meilleur interviewer, Alain Veinstein. Les soirs de semaine, Alain Veinstein reçoit. Il reçoit des écrivains. Ce soir j'ai écouté en différé tout à tour, David Le Breton pour son livre Les saveurs du monde, Tzevtan Todorov qui publie Les aventuriers de l'absolu, Jean Echenoz qui romance un Ravel et Antoine Volodine qui revient avec Nos animaux préférés. Un jour j'ai écouté Linda Lê. Lorsque je la rencontrai, peu de temps après, je lui demandai ce qu'elle avait pensé de son passage chez Alain Veinstein. Ses yeux se mirent à briller. J'aurais aimé le demander à Antoine Volodine, lui qui est allé au moins 4 fois chez Veinstein, mais cela m'est parti de l'idée. Malgré les difficultés que peut poser la littérature de Volodine, Veinstein réussit toujours à soumettre les bonnes questions en pâture à celui-ci, comme à tous les autres du reste. Mais ce qui distingue l'entrevue d'Alain Veinstein c'est qu'il ne répond jamais aux opinions des auteur·e·s, sinon par un “ Mmmm ”, tel un psychanalyste.
Alain Veinstein lit les livres des auteurs, non seulement les livres qui sortent mais tous les livres des auteurs qu'il invite. Cela lui permet de refaire le trajet de l'auteur avec lui. Il lit aussi entre les lignes et c'est là que ça devient intéressant au possible. Il met à jour l'os que l'auteur tente de cacher et le lui soumet en une question toute innocente, vers la fin, une fois que sa proie est engourdie ou, devrais-je dire totalement à l'aise, ce qui nous vaut des révélations intéressantes. Redoutable artiste de l'entrevue. Et puis, même si elle n'est pas longue - une quarantaine de minutes tout au plus - l'entrevue est jonchée de silences, d'hésitations, de respirs, telle une conversation entre deux amis qui n'ont plus rien à craindre d'être ensemble.

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Bonsoir,

Je suis fan de Veinstein et j'adore écouter la radio la nuit.

Je me suis lassé dire, et je voudrais savoir si tu as eu des échos de ça, que Alain Veinstein prendrait sa retraite très prochainement.
Si c'est vrai, pour moi, c'est le choc.

18:52  
Blogger Marc Bédard Pelchat said...

Loïc,
Je ne crois pas qu'Alain Veinstein soit près de la retraite. Il m'a l'air encore vert à l'écouter. Mais j'aimerais bien lire son livre dont j'oublie le titre où il parle d'un interviewer qui ne sais plus où se mettre à interviewer des gens jour après jour.

00:59  

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