dimanche 29 octobre 2006

Qu'est-ce que la réalité?


C'est ce qu'en perçoit quiconque se met à y réfléchir... Vivre dans la réalité, c'est vivre dans la perception de ce qui forme notre existence et selon notre état de conscience, cette réalité sera d'autant différente ou semblable de ce que l'autre perçoit comme tel.
La réalité est perception. Parmi toutes les lorgnettes de cette réalité/perception, l'usage de drogues hallucinogènes constitue une façon autre d'accéder à l'univers qui nous entoure. Différente en tout cas que ce que nous offre, disons, le journal télévisé... Mercredi 25 octobre dans le cadre de l'émission de CBC Radio One, The Current, il a longuement été question des drogues hallucinogènes et plus particulièrement des effets de la salvia (photo ci-haut). Ce segment de l'émission m'a semblé assez exceptionnel, au point d'en faire et la transcription et la traduction simultanément.

CBC Radio One
The Current
Mercredi 25 octobre 2006
Le droit de perdre la tête, légalement
Écoute (RealAudio)

Eh bien, cela augure mal pour les adeptes de la marijuana au Canada. Le mois dernier, le gouvernement fédéral a diminué de 4 millions $ les recherches concernant les propriétés thérapeutiques du cannabis. Alors les amis du pot considèrent qu'il s'agit là d'un présage de la stratégie globale du gouvernement conservateur, incluant des incarcérations de plus longues durées pour les trafiquants (renversant ainsi la vapeur du gouvernement libéral précédent qui avait opté pour la décriminilisation de la marijuana) et dépenser de grosses sommes d'argent à l'éducation des jeunes canadiens au sujet des risques de la consommation de toutes les drogues illégales, pas seulement le pot.
Alors que la guerre aux drogues continue de faire rage devant les tribunaux et à la Colline parlementaire, il y en aura toujours qui non seulement aime consommer des drogues, mais considère que l'acte d'y prendre plaisir est un droit humain. Nous allons entendre des arguments pour et contre cette notion, mais d'abord l'un des réalisateurs de The Current, Aaron Brindle à l'affût des drogues me joins pour parler d'une tendance croissante: "triper" sur des drogues légales disponibles dans une boutique près de chez vous. Et ce sont des drogues qui génère un véritable impact psychoactif.

Anna Maria Tremonti:
Bonjour Aaron

Aaron Brindle:
Bonjour

AMT
Je ne savais même pas que nous avions un spécialiste des drogues!

AB
Pour cette fois seulement.

AMT
Un punch psychoactif ici... Quelles sont ces substances légales.

AB
Il y en a un certain nombre disponible. Mais celle qui semble gagner le plus de notoriété est une substance appelée salvia.

AMT
Salvia. Qu'est-ce que c'est?

AB
C'est un hallucinogène intense et de courte durée et, en ce moment, il ne fait toujours pas partie des substances contrôlées de Santé Canada. Mais je crois que ce n'est qu'une question de temps avant que cette drogue ne se retrouve dans le même jiron de surveillance légale dans lequel on retrouve aujourd'hui la marijuana.

AMT
On discutera de cela par la suite, mais d'abord je pense avoir besoin d'un peu plus de renseignements à propos de la salvia. À quoi cela ressemble-t-il?

AB
La salvia divinorum fait partie de la famille des menthes. El n'est pas très différent de la menthe qui pousse dans votre jardin. Elle est aussi connue sous le nom de la "sauge du devin". La salvia était traditionnellement utilisée par les Mazatèques, au Mexique qui en mâchaient les feuilles ou en faisaient une infusion, pour des rituels. D'après ce qu'on ma dit, le buzz psychédélique qui provient de cette forme d'utilisation est plutôt faible, mais la façon dont les gens utilisent la drogue aujourd'hui consiste en l'inhalation d'une version potentialisée.

AMT
Alors en quoi consiste une version potentialisée?

AB
Il s'agit d'extraire l'ingrédient actif, le salvinorum A et de saupoudrer sur des feulles de salvia hachées. Cela augmente la teneur de 5 à 20 fois.

AMT
Et c'est cela que l'on peut se procurer dans les boutiques?

AB
Oui, en effet. Et je me suis rendu dans une boutique [Headshop] dans le centre-ville de Toronto où ce jeune homme du nom de Tobin Mills voulait acheter de la salvia. Le boutiquier lui remit un récipient de couleur mauve contenant un gramme de salvia. Ce gramme avait une teneur de 10 fois la version naturelle et il lui fit la déclaration standard que voici:

Boutiquier:
On ne fait aucune réclame concernant l'usage secondaire de quoi que ce soit. Il s'agit d'une boutique de graines. Ils font croître des plantes, vous faites croître des plantes. Ce que vous en faites par la suite est votre affaire.

Tobin Mills
Combien cela coûte-t-il?

Boutiquier
30 dollars plus les taxes, 34 dollars...

AMT
Combien a-t-il dit que cela coûtait?

AB
30 dollars + tps + taxe ontarienne = 34,20 $

AMT
Ainsi le gouvernement reçoit sa part. Mais ce n'est pas donné.

AB
Non, et Tobin avait hâte de voir si c'était là de l'argent bien dépensé. Il faut que je dise à ce moment que Tobin est un professionnel très pris. Il a sa propre entreprise dans l'industrie du film. Il a déjà fumé de la salvia. Il a déjà essayer d'autres drogues psychoactives telle le marijuana.
Nous nous sommes rendus chez lui et il a divisé ce gramme de salvia en huit parties égales. Il a mis donc 1/8 de gramme - on pourrait dire un pincée de thym dans la sauce tomate - dans une pipe à eau maison, alluma et inhala.
Tobin ferma ses yeux, s'évacha dans le fauteuil. Il essaya de parler mais ce qu'il disait n'était que du son et, pendant quelques minutes, je fus un peu terrifié. C'était très intense. Mais alors presqu'aussi vite que la drogue l'a percuté, son effet sembla s'étioler et six minutes après le début de l'expérience (j'ai compté le temps grâce à mon enregistreur), Tobin me faisait une récapitulation de celle-ci.

Tobin Mills:
Les effets secondaires sont encore là en quelque sorte. Je sentais le poids de mes paupières. Mais c'était un bon buzz, vous savez. La totale, avec plein de visuel. J'ai été hors de la réalité. J'admets donc que j'ai perdu la raison cet après-midi...

AMT
La totale, hein. Et il dit qu'il a été hors de la réalité. C'est en inhalant qu'une fois?

AB
Juste une fois. Et si l'on compare à quelqu'un qui prend de la marijuana par exemple, les effets quoique très brefs encore une fois, furent beaucoup plus profonds.

AMT
Et ça c'est légal.

AB
Oui pour maintenant. La salvia n'est pas contrôlée par la loi sur les substances et les drogues de Santé Canada. Toutefois, un porte-parole de Santé Canada a mentionné durant une entrevue de recherche qu'ils sont à étudier potentiellement un contrôle de la drogue, du genre à imposer des restrictions sur sa disponibilité et son usage.

AMT
Et comment Santé Canada va-t-elle déterminée que la sylvia devrait être contrôlée?

AB
J'ai posé cette question à Carole Bouchard qui est la directrice du Bureau du contrôle des substances à Santé Canada. Elle ne peut pas commenté spécifiquement sur la salvia mais pourrait envisager divers critères pour étudier une substance, incluant comment d'autres pays ont réglementé celle-ci, les similitudes chimiques et pharmaceutiques entre une substance donnée et des drogues déjà contrôlées. Et puis, il y a plus...

Carole Bouchard:
On examine aussi les usages légitimes de la substance, des usages médicaux, des usages commerciaux ou industriels, les potentiels d'accoutumance, les abus et les mauvais usages.

AMT
Ainsi, Aaron, en parallèle à l'étude des mauvais usage de la drogue à l'intérieur du Canada, vous avez mentionné que le Santé Canada s'intéresse aussi à ce qui se fait a l'extérieur.

AB
Jusqu'à un certain point. La salvia est déjà illégal en Australie, en Italie et en Suède, dans quatre États américains, mais ce n'est pas une substance contrôlée selon la Convention des Nations Unies sur les drogues contrôlées, dont le Canada est un des signataires.

AMT
Alors, y a-t-il d'autres substances comme la salvia, légalement disponibles au Canada?

AB
Bien sûr. Il y a un opiacé appelé craton qui consiste en des feuilles séchées d'une plante originaire de l'Asie du sud-est, et elle est supposée offrir un high énergisant et euphorisant.

AMT
Un high euphorisant... on dirait une publicité...

AB
En effet! Mais ce son les mots d'une recherche scientifique. Mais comme pour les autres opiacés, cette étude suggère que cela pourrait être addictif. Il y a aussi un champignon sec qui s'appelle Fly Agaric ou Amanita muscaria qui peut être mortel à forte dose et peut causer des nausée et de l'angoisse (il ne semble pas que nous en prendrons)...

AMT
Hmm, non pas du tout...

AB
...mais il est aussi hallucinogène avec des effets qui peuvent durer plusieurs heures. Il s'agit là d'un champignon magique légale.

Comme la salvia, ceux-là sont vendus légalement dans les boutiques [Headshops] ou par le biais de catalogues en-ligne. Autrement, quelques détaillants ont des restrictions volontaires sur l'âge de ceux qui achètent des drogues telle la salvia mais, de nouveau, ce n'est pas règlementé.

AMT
Et qu'essayez-vous de dire? Devraient-elles l'être?

AB
Bien, je ne sais pas et il n'y a pas de réponses faciles à cette question. Les composés de la salvia ont une longue histoire chez les indigènes et dans la culture contemporaine et ce n'est que maintenant que les scientifiques sont à découvrir les possibilités médicinales.

AMT
Comme c'est le cas pour la marijuana.

AB
Exactement et il y a beaucoup de recherches excitantes faites autour des drogues psychédéliques. J'ai parlé notamment au docteur Charles Grob, professeur de psychiatrie et pédiatrie à l'École de médecine de UCLA. Il fait des recherches sur la psilocybine, un substance contrôlée qui se retrouve dans les variétés illégales de champignons magiques, comment cette substance aide à traiter l'angoisse chez les patients dans des stades avancés de cancer. Il parle aussi des bénéfices possibles que pourraient en tirer les personnes atteintes de comportement obsessifs-compulsifs.

AMT
Mais il y a une différence majeures n'est-ce pas, entre des usages médicaux et des usages non réglementés de plaisir.

AB
...sûr, mais le docteur Grob tient des propos enthousiastes en ce qui concerne l'engouement vers de telles drogues:

Charles Grob:
Ces composants ont beaucoup à offrir. Il permettre l'accès à des états seconds [altered states] qui sont très difficiles d'accès sans ces composants, avec une ambiance appropriée. Maintenant, il ne s'agit pas de dire qu'il n'est pas possible d'obtenir de tels états par le truchement d'autre méthodes, telle la méditation, la privation sensorielle, le jeûne, d'autres altérations physiques [physical ordeal]. Néanmoins le travail avec des composants psychédéliques dans des conditions optimales constitue la méthode la plus probable et sans doute la plus sécuritaire d'accès à ces états de l'esprit.

AMT
Aaron, je comprends ce que veut dire le docteur Grob, mais pourquoi est-il si important d'accéder à ces états alternatifs de conscience?

AB
L'argument est le suivant: un fois que vous réalisez cet état de conscience alternatif, vous avez une perspective unique sur votre vie et sur le monde qui vous entoure et de ce point de vue, on peut percevoir toutes sortes de perceptions auxquelles autrement il aurait été impossible d'accéder dans notre vie quotidienne d'adulte sans drogue. Cela est l'argument et j'y reviendrai plus tard.

AMT
Cela dépend qui achète cet argument... Admettons. Mais le risque de consommer ces substances est-il supérieur au bénéfices qu'on en tire. Il doit bien y avoir un prix à ces perceptions.

AB
Absolument! Mais c'est aussi le cas pour des substances légales psychoactives. Ici encore, écoutons le docteur Charles Grob:

Charles Grob:
Le problème qui se pose est de déterminer si un composé risque de conduire à un plus grand risque de séquelles aux personnes qui entourent l'usager de ce composé autant qu'à lui ou elle-même. Si l'on jette un coup d'oeil du côté des composants psychotropiques et les risques qu'ils comportent pour cet individu, sa famille, sa société, l'alcool serait probablement en tête de liste des substances qui provoquent les plus graves séquelles.

AMT
D'accord, il démontre bien le double standard, mais cela élimine-t-il le risque associé aux drogues psychédéliques, incluant la salvia?

AB
L'expérience de Tobin Mills utilisant une pincée de salvia indique que cela requiert un minimum de connaissance de la part de l'usager. Vous ne voudriez pas conduire une voiture sous l'influence de la salvia. Ça c'est certain!

En fait l'un des plus grands chercheurs sur la salvia est le docteur Bryan Roth. Il est le directeur du programme d'analyse des substances psychoactives de l'Institut national de la santé mentale américain et quoiqu'il connaisse l'historique et l'importance culturelle de la salvia, il considère que les côtés négatifs de l'usage de telles drogues sont supérieurs au aspects positifs quand on parle d'altérer votre état mental.

Dr Bryan Roth:
En tant que médecin et psychiatre, ma recommandation formelle aux individus qui désirent utiliser quelque drogue qui altèrerait leur état mental et leur conscience que ce soit, qu'il est préférable de garder leur esprit sain. Le problème que l'on voit comme professionnels, ce sont ces rares moments où les gens qui prennent de telles drogues se retrouvent à l'urgence des hôpitaux, en psychiatrie. Il n'y a pas de doute au fait que quelques individus vont tirer partie de l'usage de ces substances à titre exploratoire. L'aspect négatif pour d'autres est que cela peut les amener vers la schizophrénie et d'autres problèmes.

AMT
Bon, voilà un point de vue qui tend vers plus de règlementations de la part d'un docteur qui a sérieusement étudier la salvia et ses effets adverses.

AB
Mais en même temps, le docteur Roth montre comment la salvia aide à comprendre comment le cerveau fonctionnne. Par exemple, la salvia, contrairement à d'autres psychotropes, cible un récepteur particulier du cerveau tandis que le LSD, les champignons magiques, la psilocybine affectent des douzaines, sinon des centaines de récepteurs dans le cerveau. Le résultat, comme il le souligne, est quelque chose de profond:

Dr Bryan Roth:
Vous savez l'effet psychédélique nous révèle que ce récepteur est très important pour la régulation de la conscience [regulating consciousness]. On peut alors bloquer ces récepteurs qui pourrait générer des médications qui seraient effectives à traiter des troubles où la conscience est altérée comme la schizophrénie, la maladie d'Alzheimer. Cela ouvre une fenêtre sur la chimie de la conscience. Et parce que les effets sont tellement profonds dans la façon d'altérer la vision de la réalité des individus, cela nous indique que ce récepteur particulier joue un rôle-clé dans la façon dont nous voyons ce qui est hors de notre corps. Sous l'angle philosophico-scientifique, cela est vraiment fascinant et impressionnant.

AMT
Intéressant qu'il parle de cette fenêtre de la chimie de la conscience et cette meilleure compréhension du fonctionnement cérébral.

S'agit-il là de la vraie cause à défendre du psychédélique plutôt que l'aventure de l'auto-conscience?

AB
Bien, certainement, d'un point de vue médical, mais il y a aussi un autre argument, celui qui veut qu'en autant qu'on ne se met pas ou d'autres en danger, eh bien nous avons un droit à l'expérimentation de l'auto-conscience, des états altérés de conscience que seules les drogues psychédéliques peuvent offrir.

AMT
D'accord, continuez à apportez cet argument. J'écoute...

AB
Ce n'est pas moi qui apporte cet argument. C'est l'argument du docteur Dennis McKenna. Il a passé des années à étudier les drogues psychoactives et il est chercheur senior au Centre de recherche sur les produits naturels de l'Institut de technologie de Colombie britannique (BCIT). Voici comment il tire à grand trait son argument concernant notre droit aux substances psychédéliques:

Dennis McKenna:
Vous savez, il y a une impulsion fondamentale, je crois, de la part des êtres humains à expérimenter des états altérés de conscience et, dans ce sens, on peut dire que c'est un droit fondamental. Donc comment allons-nous évoluer dans une société qui permet cela. La vraie question alors devient: qui a le droit de décider ce qui est légitime concernant les états de la conscience et ce qui ne l'est pas dans l'usage d'une substance pour la croissance personnelle, pour sa propre évolution et ce qui est illégitime. C'est une question de liberté humaine fondamentale. Les gens devraient avoir le droit d'expérimenter des états altérés de conscience et je crois que là où l'État a un rôle légitime à jouer c'est dans la minimilisation des effets négatifs et la maximisation des effets positifs de telles pratiques.

AMT
Intéressant. Mais l'idée de pouvoir obtenir un états altérés de conscience constituerait une impulsion humaine et, par extension, un droit humain; ce qui pousse le bouchon un peu loin. Il y a ainsi beaucoup d'impulsions humaines auxquelles on met la bride par le truchement de lois ou de normes culturelles. AB Mais, je crois qu'il est intéressant de jeter un oeil à cette impulsion, spécifiquement. Comme le docteur Roth dit, du moment que l'État a fait ses devoirs pour minimiser les effets négatifs, peut-être s'agit-il alors de légiférer sur l'usage de drogues telle la salvia qui, comme nous l'avons entendu, peut être puissant. Quelle est le problème concernant le droit de donner l'accès aux gens à un autre état de conscience? De plus, peut-être y a-t-il une vraie valeur à donner aux gens des clés végétales à ces états altérés.

AMT
Continuez, poursuivez... des clés végétales à ces états altérés...

AB
Bien, laissez-moi paraphraser Aldous Huxley. De temps à autre, l'humanité a besoin d'être secoué hors de la pourriture de la perception ordinaire et voir le monde sans ces strates d'inhibitions culturelles, politiques et historiques. Et cette fraîche perspective est ce que le psychédélique peut offrir. La personne qui m'a mis sur la piste des écrits d'Huxley est Jeff Warren, réalisateur de l'émission. Auparavant il a écrit un livre "The Head Trip - Adventure on the way of consciousness" [Le voyage dans la conscience], publié par Random House et disponible cet automne.

Cela étant dit, il revient d'un séjour de deux semaines en Amérique du Sud où il a fait une retraite à l'ayawaska. L'ayawaska est un puissant hallucinogène, un peu comme le payote [cactus]. C'est une substance contrôlée au Canada, mais légal en Amérique du Sud où il a un usage historique par les populations indigènes de la région. Jeff m'a relaté son expérience et s'est penché de manière plus approfondie sur les thèse d'Huxley:

Jeff Warren:
Nous accumulons des strates à partir de notre naissance, des strates physiques, des strates d'histoires personnelles ou autres, de langues, de cultures. Toutes ces choses tordent, forment et contraignent la façon dont nous sommes conscients du monde, dans la façon dont nous l'envisageons, la façon dont nous envisageons notre propre présence, dans la façon dont nous transigeons avec l'autre. En tant qu'individu, nous avons l'impression de provenir d'un lieu objectif. En fait, nous voyons au travers de cet objectif incroyablement modelé et réfractaire avec toutes ces couches de protocoles qui modifie notre expérience tout le temps. Je pense que ce que les substances psychédéliques peuvent faire consiste à fragmenter cette vision dénuée de sens, aider à amplifier pour voir le grain de ces différentes couches et cela vous permet de constater que la façon dont vous existez dans le monde est conditionnée par ces différentes strates.

Cela amplifie non seulement votre perception mes vos désillusions. C'est cela qui est le plus désopilant, car beaucoup de ce qui vous verrez ne fait aucun sens. À long terme, l'habileté consiste à reconnaître les nuances. Cela est très difficile à réaliser. Mais c'est la même chose que d'aller en thérapie, en méditation prolongée ou autre chose du genre. Votre conscience vous révèle des preuves conflictuelles et il vous faut apprendre à distinguer ce qui vous est utile de ce qui est inutile.

AMT
D'accord, il y a un risque dans ces différents états de conscience qui donc, selon Jeff, pourrait être inutile [rubbish].

AB
Oui et je pense que c'est un important risque dans l'idée de savoir si nous avons un réel droit à ces voyages offerts par les substances psychédéliques. Quand je discutais avec le docteur Roth, l'expert de la salvia, qui avait de sérieuses réserves quant à l'usage récréationnel de la salvia, il m'a dit qu'il était un bouddhiste pratiquant et il a ajouté que quelque soit la perception que l'on puisse obtenir par l'usage de la salvia, elle est minime par rapport à ce qui peut être obtenu notamment par les pratiques bouddhistes authentiques.

AMT
Jeff a aussi fait référence à cela, que la méditation peut offrir des moyens similaires pour réaliser ces états de conscience alternatifs.

AB
J'ai en fait parlé au pasteur [sic] bouddhiste de l'université de Toronto, Bhante Saranapala, concernant la distinction entre des états alternatifs de conscience offert par la méditation et ceux offerts par les substances psychédéliques. Contrairement à ce que disait Jeff Warren concernant la suppression des strates de cultures et d'expérience pour voir le monde au travers de lunettes sans obstacles, la méditation fait exactement le contraire. Elle nous force à examiner toutes ces choses que les substances psychédéliques se débarassent si rapidement pour examiner nos stress, nos politiques, nos cultures, quoi que ce soit qui nous fait trébucher dans notre esprit. Une fois que vous en avez terminé avec cette examen-là, selon la théorie, votre esprit est libéré et vous connaissez ce "calme" sans obstruction de votre conscience et, en quelque sorte, le résultat final peut être similaire avec ce que l'on réalise avec les substances psychotropes, mais le chemin pour y arriver est totalement différent:

Bhante Saranapala
Je vais vous parler de la distinction entre le "calme" artificiel et le "calme" naturel. Quand vous prenez, mettons, des drogues légales, cela vous donne un calme artificiel, contraint, imposé. Mais le bouddhisme vous procure une alternative naturelle en ce que nous appelons méditation pour realiser l'état naturel de conscience. Voyez-vous, la plupart du temps ce que nous faisons c'est de cacher la réalité. Dans la méditation, nous laissons la réalité cachée apparaître à la surface, les choses que j'ai vu, les choses que j'ai entendu, les choses que j'ai goûté, les choses dont j'ai l'expérience physiquement. Une fois que vous avez la stabilité et le nettoyage de l'esprit, il cesse de réagir aux choses qui vous sont autant d'attaches.

AMT
Ainsi la méditation sans drogue peut vous secouer hors de ces "pourritures" de perception décrite par Huxley.

AB
Oui, mais vous savez, la médition est un dur travail...

AMT
Oui, mais il n'en coûte pas 34,20 $ pour huit, euh un gramme!

AB
Oui mais, comme le révérend Saranapala m'a confessé plus tard, la méditation est un dur travail et il est difficile d'atteindre cet état de conscience. De là la difficulté de vendre l'idée de la méditation dans une société qui est constamment à la recherche de gratification immédiate.

AMT
Donc, est-on plus en mesure de savoir si les gens devrait avoir un droit de prendre des drogues comme la salvia comme méthode d'obtention de ces états alterés de conscience?

AB
Je ne crois pas qu'il y ait une réponse définitive. Au contraire, je pense que cela soulève encore d'autres questions, tel que quel rôle devrait jouer la société à réglementer les impulsions individuelles à expérimenter différents états de conscience? Et si nous décidons de règlementer cela, où met-on une limite? À une drogue légale comme la salvia? Je ne sais pas. Mais je crois qu'il faut attendre pour le savoir.

AMT
Aaron Brindle, merci.

AB
Cela m'a fait plaisir.
~ ~ ~ ~ ~

Aussi, une intéressante série de BBC World Service diffusée en 1998: Plants of Power (en anglais) Experts discuss how different cultures throughout history have used mind altering plants for intoxication.

0 Comments:

Publier un commentaire

<< Home