mardi 7 mars 2006

Dura ce mythe errant en fait d'hiver
qui n'en est presque pas un


À gauche, le massif du mont Mégantic, à droite les "White Mountains": la frontière du Maine et du New Hampshire.
Cela ressemblait plutôt au printemps ce matin. La route était de macadam sec, le soleil était enfin là, le vent était doux, juste assez pour ne pas avoir à revêtir mon capuchon, car à vélo/cité égale, le facteur éolien n'autorise pas la tête froide.
* * *

En 1985, L'Autre Journal — magazine français singulier depuis lors disparu — commençait à publier chaque semaine en mettant en vedette des entretiens entre Marguerite Duras et François Mitterrand, entretiens demandés par Michel Butel l'éditeur du magazine.
Duras qui avait publié L'amant peu avant, aux Éditions de Minuit, était au faîte de sa gloire. Mitterrand était président depuis quatre ans, solide à la barre, mais tirant de l'aile (de l'eau?) déjà, pas du tout aidé par l'économie mondiale. Duras est brouillonne. Elle ne prépare rien. Elle improvise, ce qui finit par exaspérer Mitterrand qui met fin aux entretiens, au bout de cinq. Je l'aurais fait à moins. Autant l'écriture de Duras est belle, autant son côté brouillon finit par énerver.
En sortent tout de même cinq numéros de L'Autre Journal, faits de ces entretiens entre autres choses, bien sûr. Dans l'écrit on ignore le côté brouillon de Duras que révèle les enregistrements. Mais, heureusement pour lui, Mitterrand a tout revu et corrigé avant publication. Rien n'est laissé au hasard car, comme il le dit, « je suis un peu embarassé par ce sujet de conversation, parce que je ne peux pas oublier que je représente la France et donc je dois m'exprimer avec précaution, puisque je risquerais d'être mal compris », quand Duras insiste trop pour l'amener sur le terrain politique, notamment à l'égard des États-Unis de Reagan.

En même temps que paraît le livre de l'intégral des Entretiens, France Culture a offert ses ondes à Michel Butel, samedi dernier dans l'émission Radio Libre. Il nous fait entendre (RealAudio) deux heures de ses entretiens. Étant donné que l'on parle ici de Duras et Mitterrand qui se connaissent tout de même depuis 50 ans alors, et malgré le statut de Mitterrand qui se rend chez Duras pour les premiers entretiens, nous avons droit à une conversation un peu à brûle-pourpoint entre deux amis.
Fasciné à l'époque par la France — j'ai tout de même travaillé deux ans au consulat de France — Mitterrand représentait une certaine culture qui ne me déplaisait pas, la gauche caviar... mais lui n'en était pas vraiment. Il était à la fois terroir et lettré. Je ne suis pas sûr que toute sa carrière politique soit si brillante, par contre. Je dirais même qu'il y a des taches sombres sur ses prises de positions. Quant à Duras qui est deux ans ans son aînée, elle aussi incarne un certain rapport aux choses qui n'est pas détestable. Mais comme lui dit Mitterrand lorsqu'elle lui déclare qu'elle est Reaganienne: « c'est normal, vous étiez communiste! ».

Une des affiches de la campagne présidentielle de 1981
À lire aussi: l'élégante recension que fait du livre des entretiens, Eric Aeschimann, dans Libération du 23 février dernier.
Marguerite Duras/François Mitterrand
Le Bureau de poste de la rue Dupin
Préface et notes de Mazarine Pingeot
Gallimard, 165 pp, 13,50 €.

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